En cet auguste jour de mai 1682, Phénix, le cacatoès s'échappe de la ménagerie du château de Versailles et fait irruption dans le salon de la Reine. Tiens, tiens... celle-ci est justement occupée à médire sur son monarque d'époux ! Aussitôt le facétieux perroquet saisit ses mots au vol et hop s'envole à tire d'ailes répéter à l'envi le malencontreux commérage. Bientôt tout le château ne bruissera plus que de ces mots : « Si vous saviez à quel point le Roi a des dents effroyables ! » Le courroux de la Reine n'a d'égal que sa honte. Une seule issue : arrêter l'insolent volatile. Mais déjà le colporteur ailé est loin, se mirant au passage dans les miroirs de la Galerie et dézinguant quelques pendeloques des lustres en cristal. Puis le voilà aux côtés de Charles le Brun affairé à peindre de fort beaux cieux au plafond tout en bougonnant « le roi est loin d'être une beauté olympienne ». Une indiscrétion de plus que Phénix se fera un malin plaisir à répandre. Ni une ni deux le peintre rallie la cohorte des poursuivants et bientôt le Monarque lui-même surpris et dépourvu de l'épaisse et belle perruque brune que Phénix lui a chapardée ! Bref, c'est bientôt toute une cavalcade, Roi en tête, qui essaie de mettre la main sur l'oiseau de malheur à travers tout Versailles, dans l'escalier monumental, dans les jardins et la fontaine et jusque dans le cabinet de travail du poète Jean de la Fontaine.

On aime l'irrévérence du récit et du dessin de Claire Le Meil et le rythme qu'elle a su insuffler au fil des pages. Son sens du détail est cocasse, tant dans les bouilles empourprées des courtisans lancées dans la folle poursuite que dans les dessous des crinolines des belles dames jetées cul par-dessus tête lors d'une fieffée dégringolade dans le majestueux escalier.