Paco est revenu. Egal à lui-même. Mince jeune homme encombré de ses rêves, un peu ombrageux, profondément humain, plein d’espoir dans un monde qui n’en suscite plus guère. Paco, c’est Paco Lorca, le fils de l’épicerie Lorca, du quartier espagnol des Capucins à Bordeaux, qui se voudrait torero tout en poursuivant ses études de médecine. Paco, c’est aussi l’alter ego romanesque de François Garcia qui depuis Jours de marché (Liana Levi, 2005) poursuit de livre en livre une espèce d’autofiction rêveuse et endeuillée extrêmement troublante.
Après Bordeaux donc, après aussi les routes madrilènes et andalouses des courses de taureaux (Bleu ciel et or, cravate noire, Verdier, 2009), voici Paco Lorca plongé à l’heure du giscardisme triomphant dans un univers qui n’est pas le sien. Dans Le remplacement, quatrième livre de son auteur, jeune interne, il est amené à suivre la patientèle d’un vieux médecin de famille souffrant, installé au cœur du marais vendéen. Il n’espérait que "sol y sombra", le sable des arènes, la poussière du sud ; le voilà dans un univers entre terre et eaux, entre vieilles pierres et petits villages comme échappés de chez Marcel Aymé, entre un avenir que l’on peine à deviner et le passé de cet univers de sorcières, de voisinages rances et de superstitions, entre l’Union de la gauche et les séductions torves de l’établissement. Bref, Paco ne sait plus où il habite. Pourtant, sans se fondre jamais dans ce monde d’hier sans séduction, il finira par le comprendre et l’aimer à sa façon, puisque l’on ne soigne pas sans en passer par là…
On ne dit rien de ce livre mélancolique si l’on en tait le ton, la scansion, la musique. Pour tout dire, la grâce de cette écriture, d’une oralité travaillée, sans équivalent dans le paysage littéraire contemporain (si ce n’est, hors de nos frontières, Lobo Antunes ou le Cabrera Infante de Trois tristes tigres). Joli travail. Olivier Mony