C'est un musée qu'il connaît par cœur, il y avait été gardien lorsqu'il était étudiant en arts. Cette fois, il n'y retournera ni comme surveillant de salle, ni comme visiteur, mais en majesté : Jean-Michel Othoniel aura l'honneur des cimaises du Louvre à partir du 24 mai jusqu'en fin février 2020 avec une installation de six peintures inédites sur feuille d'or, inspirées de la rose qui figure dans Le mariage d'Henri IV et Marie de Médicis de Rubens et qu'il a choisie pour symboliser le musée. « Quoi de plus approprié pour représenter le roi des musées que la rose, qui est la reine des fleurs », explique le plasticien, auteur de L'herbier merveilleux. Notes sur le sens caché des fleurs du Louvre, éponyme de l'exposition et publié à l'occasion des 30 ans de la pyramide.
La rose rubénienne
« Il fallait une fleur, poursuit l'artiste, qui puisse refléter l'histoire et la culture françaises, la rose c'est Le roman de la rose, c'est Ronsard :"Mignonne, allons voir si la rose...",c'est la rose Pompadour. » Pourquoi la rose du maître flamand ? « Quand j'ai cherché une rose au Louvre, j'ai découvert qu'il y avait 5 000 descriptifs de tableaux avec le mot "rose". Celle de Rubens est épanouie, elle est symbole de pouvoir et de passion, elle est surtout peinte avec une grande liberté et nous parle du destin d'une femme, de sa beauté, de son amour plus fort que la mort, de l'histoire de la France, de l'histoire du musée. » On goûte avec délices les explications d'Othoniel sur la rose rubénienne, le reste n'est pas moins passionnant. Du chardon dans l'autoportrait de Dürer à la pomme posée sur le tabouret dans Le verrou de Fragonard, en passant par la palme de Sainte Apolline par Zurbarán ou la pivoine dans la chemise dégrafée de La jeune fille à la cruche cassée de Greuze, nous voilà plongé à travers mille détails dans les tableaux mais pas uniquement. La cueillette concerne aussi les sept autres départements du Louvre. Durant l'année 2018, Othoniel traque et photographie ces motifs floraux dans les sculptures, les tapisseries, les fresques, le mobilier, les tableaux. L'exposition invitera tout autant à la contemplation qu'à la déambulation, à la promenade parmi les sculptures du XVIIe et du XVIIIe siècle de la cour Puget où les peintures d'Othoniel sont accrochées. L'herbier merveilleux est le plus original des guides du Louvre, qui vous exhorte : « visitez-le avec des fleurs ! ». Mais au-delà, à la façon de l'historien du détail Daniel Arasse, on appréciera cette autre visite, celle du jardin secret que dessine en creux l'artiste contemporain.
Plus associé à son travail avec les perles-la station de métro Palais-Royal, c'est lui !-, Othoniel a toujours aimé les fleurs. Les fleurs et lui, c'est une longue histoire. Elles tissent une chaîne muette entre les différentes saisons de sa création et de sa vie : fleurs du jardin de Sans-Souci à Berlin où il vivait à l'époque de la chute du mur ; celles de la collection de l'Isabella Stewart Gardner Museum à Boston (qui a donné lieu à la publication deL'herbier merveilleuxprécédent) ; celles du jardin de Versailles où, en collaboration avec le paysagiste Louis Benech, il crée une fontaine pour le château ; celles de son enfance à Saint-Etienne, de cet herbier commencé vers l'âge de 12 ans. Quelle était sa fleur préférée, enfant ? Othoniel réfléchit : « L'anémone. » Pourquoi ? « Pour sa fragilité. » Perles de verre, pétales de rose, tout l'art d'Othoniel se tient comme sur un fil dans ce lien intime et ténu entre le beau et le fragile. Comme la vie.
L’herbier merveilleux
Actes Sud
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 35 euros
ISBN: EAN 9782330120139