Les prochains mois vont voir émerger une éventuelle réforme du Code de la propriété intellectuelle afférente aux œuvres dites orphelines, qui n’ont rien à voir avec le Sans famille d’Hector Malot ! Une œuvre orpheline désigne une œuvre dont les ayants droits sont ou paraissent impossibles à identifier ou à contacter. Ce qui, en pratique, revient pour un éditeur soit à passer outre et à s'exposer à un procès en contrefaçon, si l’auteur ou ses héritiers se manifestent, soit à ce que ladite œuvre reste inexploitée jusqu’à sa chute dans le domaine public... Ce dernier cas de figure est d’ailleurs par essence difficile à déterminer, car le géniteur de l’œuvre orpheline a généralement disparu avant son décès et, la date de sa mort demeurant inconnue, la durée de protection de l’œuvre — en principe 70 ans après le décès — reste par conséquent très floue. Le 24 mai 2011, la Commission européenne a initié une proposition de directive, faisant écho aux travaux, en France, du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique qui s’était déjà réuni à ce sujet en 2007 et 2008. Selon l’exposé des motifs de la proposition, le principal objectif de celle-ci « est de créer un cadre juridique garantissant un accès transfrontière en ligne licite aux œuvres orphelines figurant dans les bibliothèques ou archives en ligne administrée par diverses institutions visées dans la proposition, dès lors que ces œuvres sont utilisées dans l'exercice de la mission d'intérêt public de ces institutions. » Par ailleurs, « afin d'établir si une œuvre est orpheline, il est demandé aux bibliothèques, établissements d'enseignement, musées ou archives, institutions dépositaires du patrimoine cinématographique et organismes de radiodiffusion de service public d'effectuer au préalable une recherche diligente des titulaires de droits, conformément aux exigences de la proposition de directive, dans l'État membre où l'œuvre a initialement été publiée. Une fois que cette recherche diligente aura permis d'établir que l'œuvre est orpheline, celle-ci sera réputée être une œuvre orpheline dans toute l'UE, ce qui évitera de multiplier les recherches. Il sera alors possible de mettre de telles œuvres en ligne sans autorisation préalable, dans un but culturel ou éducatif, à moins que leur propriétaire ne mette fin à ce statut d'œuvre orpheline. » Les sociétés de gestion collective se sont mises sur les rangs pour bénéficier de la manne qu’elles souhaiteraient voir être reversée. Certaines demandent en outre que le principe d’utilisation soit ouvert à tous les opérateurs, et donc notamment aux éditeurs privés. L’ensemble présente au demeurant des difficultés certaines d’articulation avec le statut, également en discussion, des œuvres indisponibles (c’est-à-dire encore protégées mais qui ne sont plus exploitées). 2012, qui commémorera par ailleurs le vingtième anniversaire de l’adoption du Code de la propriété intellectuelle, risque d’être agitée sur le front du lobbying bruxellois puis national.