Pendant longtemps, les éditeurs espagnols ont refusé de considérer avec sérieux l'arrivée du numérique. Ils se réveillent aujourd'hui dans l'urgence", constate Victoire Chevalier, directrice de E-libro, la principale plateforme numérique en Espagne. Selon la dernière >enquête sur le livre numérique >de la Fédération des éditeurs espagnols (FGEE), une maison d'édition sur quatre prévoit de commercialiser la moitié de son catalogue en format numérique d'ici à 2012.
Véritablement lancés dans la course depuis 2009, les professionnels du livre ont développé un maillage de plateformes numériques varié et performant. Todoebook, Amabook, Leer-e, Librosinlibro, TheCopia ou Movistar ebooks, le nombre de sites de vente a explosé ces deux dernières années. Pour Arantza Larrauri, directrice de Libranda (la plateforme numérique créée par les groupes Planeta, Random House Mondadori et Santillana), "ce foisonnement d'initiatives permettra d'éviter le monopole et ne peut que dynamiser le secteur et contribuer à faire disparaître progressivement les craintes du public".
En 2011, Apple, Google Books et Amazon, qui diffusera des livres numériques à la fin de l'année, ont été accueillis à bras ouverts par les éditeurs, qui ont vu là l'occasion de "renforcer leur visibilité dans le brouhaha numérique", explique Victoire Chevalier. Celle-ci précise cependant que l'offre de contenunumérique reste pauvre et que les éditeurs doivent développer une véritable "stratégie numérique" s'ils veulent réussir leur mutation.
UN MARCHÉ ENCORE ANECDOTIQUE
Si le secteur a doublé sa production, passant de 18 221 titres en 2009 à 25 500 titres en 2010, sa part de marché reste encore faible : avec un chiffre d'affaires de 70,5 millions d'euros en 2010, elle représente 2,5 % de la facturation globale de l'édition. Et les livres de droit et d'économie accaparent 70 % des ventes. "Ces trois dernières années, le livre numérique a été notre fantasme : nous réalisons aujourd'hui qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que ce ne soit une réalité", reconnaît Miquel Flamarich, qui travaille pour la Confédération des libraires espagnols (Cegal).
En 2010, à peine 105 000 liseuses ont été écoulées en Espagne. Les éditeurs comptent sur l'arrivée du Kindle en 2012 pour stimuler les ventes. Mais selon Antonio María Ávila, directeur de la FGEE : "Il faudra du temps pour institutionnaliser cette nouvelle forme de lecture, et, même si les supports seront là, nous devons baisser la TVA des ebooks de 18 à 4 %, car les livres sont encore trop chers pour séduire."