« La vie est compliquée et effrayante », surtout quand il s'agit d'amour. Le sujet a été scruté à maintes reprises, mais il ne sera jamais épuisé. Cette fois, c'est une primo-romancière israélienne qui s'en empare. Dramaturge et metteur en scène, Nano Shabtaï se définit comme une « fille d'artiste », puisqu'elle fait partie d'une lignée d'auteurs et de poètes prestigieux. Comme toutes les jeunes filles, elle rêve de vibrer pour un homme, mais le chemin des passions et des désillusions est long. Alors autant prendre la plume pour raconter ce périple tripant.

Dépucelée à 19 ans par un homme divorcé, son héroïne désire explorer ce nouveau territoire plein de promesses et de détresses. « Il n'y a que le sexe dans cette vie. » Elle y goûte avec joie, plaisir et frivolité, en nous présentant son « casting ». Le pompiste allumeur, le branleur, le psychiatre, le présentateur ou « celui qui voulait être écrivain » enrichissent sa collection. Chaque chapitre porte le nom de l'un d'entre eux, histoire de satisfaire ou non sa gourmandise. Ils forment un album de famille qui ne rime pas toujours avec success story. Si elle enchaîne les plans cul avec drôlerie, voire ironie, elle a aussi envie de connaître l'Amour. La jeune femme déménage à Tel-Aviv pour entamer des études théâtrales. Elle y connaît la précarité avant de s'ancrer, au moins psychologiquement. Mais chaque homme vient la déstabiliser davantage. « J'ai fini par me sentir non-importante pour quiconque, y compris pour moi-même. » La protagoniste croit à chaque fois que c'est son big love, mais elle doit déchanter. « Le Petit Prince aurait pu me sauver si j'avais vraiment été captive de Barbe-Bleue et non de moi-même. »

Et si son problème était justement là, dans cette case inconsciente où sont assignées les femmes depuis la nuit des temps ? Ici, elle joue son propre rôle, « celle qui attend éternellement l'homme qui viendra remplir le trou noir ». Ses prétendants s'avèrent souvent mariés, torturés ou tiraillés. D'autres s'épanchent de façon bouillonnante, comme dans cette lettre d'amour qui lui arrache quelques soupirs. À force, on finit par assister à un catalogue d'échecs qui n'est pas sans rappeler celui de Bridget Jones, version israélienne. Ses parents se disent ouvertement antimilitaristes, dans un pays où le service militaire est obligatoire pour filles et garçons. Un pays qui pleure son Premier ministre, quand Yitzhak Rabin est assassiné. Malgré les spécificités de cette société, Nano Shabtaï touche à l'universalité de cette « génération Tinder », ne sachant plus trop comment approcher le sexe opposé. Comment draguer, s'attacher, assumer ses sentiments ou ses doutes, et s'engager ? Au sein de cette mosaïque érotique, on suit l'émancipation sexuelle et existentielle d'une femme. Elle constate ainsi que « les hommes sont des humains ». Ils se montrent lâches et maladroits, tout en dénudant leur fragilité si bien cachée. Quoique...