Le boxeur américain né Cassius Marcellus Clay Jr, plus connu sous le nom de Mohamed Ali, est décédé vendredi à Phoenix (Etats-Unis) à l'âge de 74 ans après un long combat avec la maladie de Parkinson. Mais ce qu’on retiendra, c’est évidemment ses combats sur le ring. "I am the greatest": maintes fois lancée par Mohamed Ali, cette phrase ne suffit pas à mesurer la légende du boxeur le plus célèbre de l'histoire, qu'il a écrite un demi-siècle durant avec ses poings, un verbe acéré et un charisme fou.
"Sportif du siècle" selon Sports Illustrated et la BBC en 1999, l'histoire retiendra un homme doté de dons uniques, d'une technique très pure, d'une étonnante mobilité et d'un punch au-dessus de la moyenne, qui a bouleversé les conventions sur et en dehors du ring, avec son rare sens de la formule, son instinct de grand communicateur, son goût pour la provocation et son combat permanent contre l'ordre établi.
Mohamed Ali en livres
Un destin hors du commun conduit à une multitude de publications. Taschen publiera d’ailleurs le 2 octobre prochain le beau-livre Le combat du siècle, de Norman Mailer avec des photographies de Howard L. Binghman et Neil Leifer, qui retrace le combat du boxeur contre George Foreman à Kinshasa. Ce même match avait inspiré le photographe Abbas qui a regroupé ses meilleurs clichés dans Ali : le combat par Abbas (Sonatine, 2010). Taschen a aussi publié trois autres beaux-livres "poids lourds": Greatest of All time, soit 652 pages et 7 kilos, Goat, qui signifie aussi "Greatest of all time", relié sous coffret luxe, soit 792 pages et 34 kilos, et Goat: Champ's Edition, édition limitée à 4 tirages à 10000 euros.
Son parcours a été décrypté dans plusieurs essais, dont ceux de Frédéric Roux, Alias Ali (Fayard, 2013, Folio), de Patrice Lelorain, La légende de Muhammad Ali (La table ronde, réédition en 2008, disponible en livre numérique depuis 2012) et d’Alexis Philonenko, Mohammed Ali : un destin américain (Bartillat, 2007). En 2013, Alban Lefranc était revenu sur le début de la vie du boxeur, à l’époque où il était encore Cassius Clay, dans Le ring invisible (Verticales).
Plus récemment, en bande dessinée, Le Lombard a sorti en septembre dernier la biographie Muhammad Ali, de Sybille Titeux de la Croix et Amazing Améziane. Pour les plus jeunes, Albin Michel Jeunesse a réédité il y a un an Mohamed Ali ; champion du monde écrit par Jonah Winter, illustré par François Roca et traduit par Pascale Jusforgues. Le livre est disponible en format numérique depuis mars.
Enfin, Mohamed Ali faisait évidemment parti du panthéon de Lilian Thuram dans Mes étoiles noires : de Lucy à Barack Obama (Philippe Rey, 2010, et Points).
Carrière fulgurante
C'est pour se venger d'un gamin qui lui a volé son vélo que ce petit-fils d'esclave, né le 17 janvier 1942 à Louisville dans le Kentucky, apprend la boxe. Très vite, c'est la gloire. A 18 ans, il est champion olympique à Rome. Sitôt professionnel, Cassius Clay entame son auto-promotion à coup de formules dont la plus fameuse: "Je vole comme un papillon, je pique comme une abeille, je suis le plus grand".
A 22 ans, il est champion du monde aux dépens du redoutable Sonny Liston. Le lendemain, il décide de changer de nom et se fait appeler Cassius X en l'honneur du leader des "Black Muslims", Malcolm X. Un mois plus tard, il se convertit à l'Islam et prend le nom de Mohamed Ali.
Grâce à son style unique, les bras souvent ballants le long du corps, il conservera son titre mondial jusqu'en 1967, date à laquelle il refuse d'aller faire la guerre au Vietnam. Il échappe à la prison mais est interdit de ring, vilipendé par une majorité de l'opinion publique américaine mais tenu par d'autres comme un pilier de la contre-culture et un champion de la cause des noirs qui se battent alors pour l'égalité des droits.
Ali est gracié en 1971 mais sa suspension lui a volé trois belles années de carrière dans la pleine force de l'âge. Il remet très vite les gants et, dans ce que beaucoup avec lui qualifient de "combat du siècle", il s'incline aux points face au battant qu'est Joe Frazier, le 8 mars 1971 au Madison Square Garden de New York. Ali prend sa revanche sur Frazier début 1974 et, le 30 octobre 1974, dans la mémorable "bataille dans la jungle" ("rumble in the jungle") à Kinshasa, au Zaïre, il mystifie devant près de 70000 spectateurs le surpuissant George Foreman (KO, 8e) pour reconquérir le titre de champion des lourds.
Vainqueur notamment d'une belle inoubliable (KO, 13e) face à Frazier en 1975 à Manille, il conservera sa couronne jusqu'en 1978, où il est battu par Leon Spinks. Fait unique, Ali récupère le titre mondial pour la troisième fois face à ce même Spinks, sept mois plus tard, aux points.
Les ultimes combats
Retraité en 1979, il est contraint de remettre les gants deux ans plus tard, à 39 ans, faute d'avoir su gérer sa fortune. C'est le combat de trop. En octobre 1981, il est tristement humilié par son compatriote Larry Holmes, trop fort pour lui (abandon 11e reprise). Ali n'est plus le plus grand mais il s'entête. En décembre de la même année, une défaite face à Trevor Berbick sera toutefois son dernier combat.
Après 56 victoires en 61 combats, dont 22 en championnats du monde et 37 avant la limite, Ali raccroche les gants. Il a poussé trop loin sa carrière: très vite, les premiers effets de la maladie de Parkinson se manifestent.
En 1996 aux jeux Olympiques du centenaire, à Atlanta, c'est un homme tremblotant mais irradiant que le monde regarde avec émotion allumer la vasque olympique. Dans cette grande ville du sud des Etats-Unis où trente ans plus tôt la ségrégation persistait, il reçoit une deuxième médaille d'or. Jeune homme, il avait jeté dans la rivière Ohio celle remportée à Rome en 1960, après avoir été refusé dans un restaurant "réservé aux blancs".
L'une de ses dernières apparitions publiques, en juillet 2012 lors de la cérémonie d'ouverture des jeux Olympiques de Londres, avait montré au monde que l'ancien triple champion des poids lourds, rongé par la maladie, était entré dans le dernier round de son ultime combat.