18 février > roman Autriche

L’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ disait : "Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle." Sa pensée s’applique à la perfection à Rosa Masur, l’héroïne du roman de Vladimir Vertlib. L’auteur pluriculturel naît dans l’actuelle Saint-Pétersbourg. Après avoir vécu en Israël, il se pose en Autriche. Son premier livre - autobiographique - retrace cette aventure familiale. Un goût pour l’histoire et l’épopée migratoire qu’on retrouve dans L’étrange mémoire de Rosa Masur. A 92 ans, celle-ci garde une personnalité énergique, malgré la guerre et les horreurs traversées. Cette dame juive "ne croyait pas en Dieu, mais elle croyait au pouvoir du destin".

Le sien s’avère suffisamment remarquable pour correspondre au concours organisé à Gigricht, un village allemand qui fête ses 750 ans sous le signe de l’intégration et de la diversité. Le maire, historien, récompensera le récit qui s’inscrit dans "les bouleversements et les espoirs du XXe siècle". Rosa, "petite femme corpulente, qui avait l’air d’une paysanne originaire d’une province de Russie", se prête au jeu. "Est-il important de savoir d’où une personne tient sa sagesse ?"

La sienne puise ses racines dans un bourg biélorusse. Une enfance paisible marquée par la scolarité. "Intellectuelle et cultivée", Rosa s’installe à Leningrad en 1925, mais les rêves de cette idéaliste essuient des revers. Obligée de travailler à l’usine, elle découvre la condition féminine et ouvrière. Sa persévérance est récompensée quand elle devient traductrice.

Mariée, elle a un fils prématuré, qui restera fragilisé. "Le monde tel que nous le connaissions allait bientôt disparaître. Des choses terribles, irrémédiables s’annonçaient." La guerre se propage comme la peste… Alors que son mari revêt l’uniforme, son village natal est dévasté par les persécutions nazies. Dans Leningrad assiégé, le désespoir et le cannibalisme renversent les derniers remparts de l’humanité. Rosa résiste, malgré la succession des régimes.

L’histoire retient les noms des héros, or qu’en est-il des petites gens qui se battent juste pour survivre ? Rosa représente une lueur en ces temps sombres, mais elle n’est pas au bout de ses peines : les préjugés antisémites, la peur des migrants, l’identité des minorités et l’instabilité politique continuent à perturber le monde d’aujourd’hui. "L’avenir est aussi imprévisible qu’une averse d’orage en été." Kerenn Elkaïm

Les dernières
actualités