Tout récemment, il avait mis toute son énergie à sauver la revue qu'il avait fondée en 1966 avec François Erval, La Quinzaine littéraire. C'en était trop. Maurice Nadeau s'est éteint dimanche 16 juin, à 102 ans.
En 2011, le tout-Paris littéraire avait fêté avec une admiration unanime le travail accompli par ce personnage hors du commun, entré dans l'édition à 36 ans, créateur, à 66 ans, en 1977, de sa propre maison d'édition, les éditions Maurice Nadeau.
Né le 21 mai 1911 à Paris, Maurice Nadeau a passé son enfance à Reims. Instituteur, il fréquente un groupe d'auteurs qui publient des romans policiers chez Minuit. Surtout, il se lance dans une Histoire du surréalisme, qui paraît en 1945 au Seuil. Journaliste à Combat, France Observateur et à L'Express, il commence à travailler dans l'édition. Mais c'est en 1950, chez Corréa, avec la publication d'Au-dessous du volcan de Malcom Lowry, que sa réputation d'éditeur s'installe. C'est ensuite l'aventure Julliard avec d'abord la revue Les lettres nouvelles, puis la collection du même nom, où Maurice Nadeau publiera Gombrowicz, Richard Wright, Jean Reverzy, Albert Cossery, Bruno Schulz, et même Georges Pérec, dont Les Choses reçoivent le prix Renaudot en 1965.
Malgré cela, Maurice Nadeau est remercié par les nouveaux actionnaires de Julliard, et l'éditeur transporte sa revue et sa collection chez Denoël, où il obtient par deux fois le prix Femina, pour Elise ou la vraie vie, de Claire Etcherelli en 1967 et pour La maison des Atlantes d'Angelo Rinaldi, en 1971.
En 1977, il lance les éditions Maurice Nadeau. Aux côtés de la revue La Quinzaine littéraire, la maison d'édition tient à garder une dimension artisanale et ne publie jamais plus que huit à dix livres par an. Son responsable se refuse à lier les auteurs et ne signe chaque fois que pour un seul livre. Ce rôle de découvreur de talents ne sera pas perdu pour le reste de l'édition qui suit avec attention son catalogue. Maurice Nadeau aura ainsi publié de nombreux premiers romans, comme ceux de J.M. Coetzee ou de Michel Houellebecq.
Maurice Nadeau avait lui-même raconté son parcours d'éditeur ou ses goûts littéraires dans plusieurs ouvrages, comme Grâces leur soit rendues réédité en avril 2011 chez Albin Michel. La même année est paru en coédition Verdier/France Culture des entretiens avec Laure Adler, intitulés Le chemin de la vie.
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Lire également Les cent vies de Maurice Nadeau, par Pascal Fouché, Livres Hebdo 862, du 22 avril 2011, p.14.