Il y a tout juste une semaine, Benoît Yvert, le directeur du livre, en ouverture du Forum de la SGDL où il fut beaucoup question de numérique, évoquait le « fossé », dans ce domaine, entre « les plus de quarante ans et les autres ». Ce qui suit concerne résolument les moins de quarante ans. D’abord, Martine. Eh oui, la Martine de « Martine à la ferme ». Héroïne infatigable, depuis plus d’un demi-siècle (le premier album, « Martine à la ferme », justement, est paru en 1954) d’aventures toutes de « fraîcheur, d’authenticité et de merveilleux », comme le dit son heureux éditeur, Casterman. Quand on sait l’inventivité déployée en littérature jeunesse depuis déjà quelques décennies, « fraîcheur » et « authenticité » riment, ici, avec un irrésistible parfum de désuétude. Mais enfin, ça marche : 57 titres au catalogue, plus de 50 millions d’exemplaires vendus dans le monde francophone, des traductions dans d’innombrables pays et une foultitude de produits dérivés. Et les aventures continuent. Marcel Marlier, désormais seul au générique (son co-auteur, Gilbert Delahaye est disparu en 1997) poursuit la série avec l’aide de son fils. Dans le dernier album, « J’adore mon frère ! », paru le 17 septembre, on voit Martine taper à l’ordinateur. A l’échelle de Martine, c’est une révolution… Mais la vraie nouveauté, c’est que l’album originel, « Martine à la ferme », existe désormais en version jeu vidéo sur console Nitendo ! Ce n’est pas tout à fait une première : Martine, jeune fille résolument moderne, existait déjà en jeu d’éveil pour PC depuis 2005. Mais là, on change d’échelle : développé par une société spécialisée, en partenariat avec Casterman, « Martine à la ferme » version Nitendo (40 euros environ, le jeu) explore toutes les fonctionnalités de la console. C’est Patapouf qui ne va pas en revenir… Autre innovation, qui illustre bien comment les nouvelles générations de lecteurs seront biberonnées au numérique et au multimédia : le Nabaztag se met aux livres d’enfants. Cékoi, le Nabaztag ? Un petit lapin stylisé communiquant, merveille de technologie, relié 24h sur 24 à Internet par wifi. « Nabaztag », c’est de l’arménien, et ça signifie précisément lapin (ou lièvre…). L’un des deux inventeurs du Nabaztag, Rafi Haladjian, étant d’origine arménienne, voilà pour l’explication de ce nom inattendu. Le Nabaztag (un peu moins de 150 euros pièce) s’allume, bouge les oreilles, donne l’heure et remplit tout plein d’autres fonctionnalités : vous alerter de l’arrivée d’un mail, vous réciter les derniers bulletins météo, ou le fil AFP, etc., etc. Bref, le genre de gadget parfaitement inutile et qui sera bientôt irremplaçable dans des milliers de foyers. La nouvelle version du Nabaztag, encore enrichie, est désormais capable de renifler les puces RFID, ces puces intelligentes qui équiperont bientôt la plupart des objets de consommation, livres compris. Désormais, le Nabaztag sait également lire ! Enfin, pour l’instant, un seul livre, mais pas n’importe lequel : « La belle lisse poire du prince de Motordu », de Pef, intronisé dès sa parution, en 1980 chez Gallimard, comme l’un des grands classiques de la littérature jeunesse contemporaine. En reniflant la puce RFID collée dans la couverture du livre, Jeannot-Nabaztag sera capable d’identifier l’ouvrage, et d’aller en chercher l’histoire sur Internet, pour la lire ensuite à voix haute. Il suffira de bouger les oreilles du lapin pour naviguer dans le récit (passer au chapitre suivant, par exemple), et l’animal, doté de mémoire, pourra reprendre la lecture à l’endroit où il s’est interrompu la fois précédente. Il sera également possible de choisir entre deux voix : celle de Pef, ou celle du lapin, pour lire le récit. Fabuleux, non ? La commercialisation est prévue pour la mi-novembre. Et quatre autres livres de Gallimard Jeunesse devraient suivre dès 2008. Avec tout ça, on se demande à quoi vont bien pouvoir encore servir les grand-mères. • http://www.ma-copine-martine.com • http://www.nabaztag.com
15.10 2013

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