Si l'Amérique m'était contée. On la dit « latine » et dotée d'un « esprit » unissant des populations que l'histoire moderne s'est pourtant efforcée de désunir. La moitié sud des Amériques, l'écrivain et grand reporter argentin Martín Caparrós l'a parcourue sur plusieurs décennies, en tentant de la raconter et de la comprendre. De la définir également, sans avoir recours à un adjectif (« latine ») né de sa colonisation, qui « effaçait d'un coup de plume une multitude de présences qui ne venaient pas de Rome » − soit les « Indiens, Noirs, Métis et Mulâtres disparus d'un seul coup de mot ». D'Ushuaia à Tijuana, de Valparaíso à Chuy en englobant quelques îles des Caraïbes, celle qu'il nomme « Ñamérique » est un arc de 12 000 kilomètres de long englobant une vingtaine de pays et portant en étendard le « ñ » propre à la langue espagnole que ces pays ont en partage. Alternant réflexions thématiques sur un continent défini comme « inquiet », « divisé », « violent », « croyant », « pop », et monographies inspirées de villes reflétant ces thématiques (Bogotá, Mexico, Caracas, Buenos Aires, La Havane, Managua ou El Alto), les sept cents pages composant ce « voyage dans le présent de l'Amérique hispanique » nous font découvrir un nouveau-nouveau monde parcouru d'antagonismes et d'un sentiment mêlé d'échec et d'espoir, à l'image de sa première étape : Chichicastenango, une ancienne ville coloniale du Guatemala réputée pour son marché, parmi les derniers refuges à la globalisation et à l'uniformisation du made in China. Une fresque habitée et profondément humaniste, qui détricote les mythes et idées reçues accolés à cette terre de contrastes.