Voilà près de vingt ans et un roman inaugural, Le Lézard (Fayard, 2004), que le Franco-Américain Mark Greene promène dans les contre-allées de notre paysage littéraire l'élégance discrète de son style autant que celle des antihéros désenchantés et comme repliés dans les marges du temps qui peuplent presque chacun de ses livres. Celui-ci, L'idée de l'amour, ne fait pas exception à cette si jolie règle et donne l'impression au lecteur ayant lu les précédents de renouer une conversation là précisément où elle avait été interrompue.
Soit donc, Philippe Waxman. Une sorte d'homme sans qualités. Ou qui peine lui-même à s'en reconnaître. Un passant de Paris qui se fond dans le brouillard de son existence en ressassant plus ou moins le temps de sa jeunesse, quand il ne pouvait s'imaginer d'autre avenir que celui d'écrivain, conforté en cela par la jeune fille qu'il aimait, Elisabeth Vuibert, rencontrée à la Sorbonne et qui lui faisait plus volontiers don de sa présence que de son corps. Le temps a passé, Elisabeth s'est enfuie en Amérique, et Waxman a dû ranger ses beaux rêves dans l'armoire refermée à jamais du champ des possibles. Devenu journaliste hippique, il écrit aussi pour un éditeur de best-sellers des livres de commande qu'il signe sous le nom de Ribot, l'un des plus grands chevaux de course de l'Histoire, le seul à être demeuré invaincu tout au long de sa carrière. C'est ainsi qu'un jour, Waxman se voit convaincu de se rapprocher de François Rongières, une sorte de « grantécrivain » national durant les années 1980-1990, désormais un peu démonétisé et qui vit en anachorète quelque part en Bourgogne, loin de toute agitation médiatique. L'idée n'est pas pour déplaire au journaliste tant ce Rongières fut sa grande admiration de jeunesse et tant son silence et sa seule passion avouée, l'élevage de chevaux, l'intriguent. Parvenant à ses fins, Waxman aura la surprise de retrouver auprès de l'écrivain, Elisabeth, crue à jamais perdue et donc retrouvée. Il n'y a pas de hasard, juste des rendez-vous... Un jeu d'ombres portées va alors relier les trois héros, bientôt rejoints par une très jeune femme, Tiffany, attachée aux écuries de la demeure des Rongières. Un jeu cruel et poignant.
Mark Greene se fait ici plus que jamais le marionnettiste de ses personnages comme perdus en de très anciens chagrins. Il se garde bien de trop les toucher puisqu'après tout, ils sont brisés.
Mark Greene
L'idée de l'amour
Grasset
Tirage: 0
Prix: 18 EUR
ISBN: 9782246831181