De l’avis de la majorité des éditeurs et éditrices rencontrées lors du Festival du livre gourmand, organisé à Périgueux du 18 au 20 novembre, la crise sanitaire a profité au marché du livre de cuisine. Rien qu’entre janvier et septembre 2021, une étude GFK enregistrait des ventes en hausse de 48 % en France pour ce seul segment. "Avec les confinements, de nombreuses personnes se sont remises à cuisiner et le marché du livre de cuisine fonctionne bien", confirme Clélia Ozier-Lafontaine, responsable éditoriale du segment Art de vivre chez Flammarion. "Nous avons eu deux années extraordinaires, note Christine Martin, responsable du pôle cuisine chez Marabout. Le marché s’est certes rationalisé dès lors que d’autres loisirs sont redevenus accessibles, mais le plaisir de cuisiner est resté."
Plusieurs éditeurs et éditrices interrogées parlent donc d'un marché "dynamique" malgré une "explosion de l'offre". Cette saturation du marché, si elle a encore été amplifiée par la crise sanitaire, n'est cependant pas nouvelle. En effet, la diffusion d'émissions culinaires – avec Top Chef en tête de file, diffusée sur M6 dès 2010 – avait déjà permis un engouement nouveau pour les livres de cuisine.
Dans les fourneaux depuis plus de trente ans
©Cécilia Lacour/LH - Sabine Bucquet-Grenet et ses auteurs et autrices au Festival du livre gourmand (Périgueux, 18-20 novembre 2022).
Ce qui a changé en revanche, ce sont les profils des auteurs et autrices. Le segment continue d'être largement porté par des stars des fourneaux comme Cyril Lignac (avec les six volumes de Fait maison, La Martinière), François-Régis Gaudry (On va déguster la France, On va déguster l'Italie et On va déguster Paris, respectivement publiés en 2017, 2020 et 2022 chez Marabout) ou encore Laurent Mariotte (Mieux manger sans se ruiner ou encore Mieux manger toute l'année, Solar). Mais il est désormais de plus en plus convoité par "une génération de chefs qui n'a pas forcément de restaurant et qui tente de faire son métier autrement", observe Rose-Marie Di Domenico, responsable éditoriale chez First. Parmi ces nouvelles plumes : Julien Sebbag (Autodidacte, Flammarion), Manon Fleury (Céréales, Flammarion) ou encore Chloé Charles (Tiens, goûte ! avec Tiphaine de Cointet, First). Aux côtés des jeunes chefs, "des autodidactes qui ont monté en niveau lors des confinements", note Cédric Canoville, directeur commercial et marketing à La Martinière. Et c'est sur les réseaux sociaux, principalement sur Instagram, que ces nouvelles plumes ont été repérées.
De la cuisine illustrée pour les enfants
©Cécilia Lacour/LH - Agathe Hennig (à gauche) et ses autrices Justine Piluso et Chloé Charles au Festival du livre gourmand (Périgueux, 18-20 novembre 2022).
L'effet de la crise sanitaire se fait aussi sentir sur les thématiques abordées. Adieu les robots comme Thermomix et Cookeo. Place est désormais faite aux sujets "qui reflètent les inquiétudes de la société", affirme Pierre-Olivier Planty, éditeur chez Alternatives. Ainsi, les techniques de fermentation et de conservation ont le vent en poupe, tout comme les préoccupations environnementales liées à l'alimentation, à l'image des "manger local" et "manger de saison". "Même les chefs recentrent leurs ouvrages sur les produits locaux. L'écologie est devenue essentielle en cuisine", déclare Pierre-Olivier Planty. Éditrice chez Sud-Ouest, Catherine Dubreil partage ce constat : "Les lecteurs ont de plus en plus besoin de savoir ce qu'ils mangent." Et ce, même s'ils continuent de rêver devant la cuisine du monde.
Si l'édition de livres de cuisine reste donc dynamique, de nombreux professionnels se montrent toutefois inquiets quant aux années à venir. En cause : la hausse du prix des matières premières ou encore des transports, qui affecte notamment le prix des livres. "Moment charnière", "zone de turbulences", "zone d'incertitude" sont autant d'expressions employées par des éditeurs et éditrices lorsqu'ils évoquent le pouvoir d'achat de leur lectorat, susceptible de ternir la bonne santé du segment du livre de cuisine.