Allemagne

Marché allemand : die Qualität ?

La librairie pluricentenaire Korn & Berg, à Nuremberg. - Photo Magnus Gertkemper/CC BY-SA 3.0

Marché allemand : die Qualität ?

Stabilisé après une grande phase de fusions et de restructurations, le marché allemand reste prudent. Les librairies, elles, misent toujours plus sur l’ancrage local.

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Par Gilles Bouvaist
Créé le 09.10.2015 à 02h05 ,
Mis à jour le 13.10.2015 à 09h49

Le calme après la tempête ? L’année 2015 marque un retour à la stabilité pour le marché du livre allemand, après plusieurs années de restructurations. "Le marché allemand reste l’un des plus dynamiques au monde, se réjouit Alexander Skipis, directeur exécutif du Börsenverein, l’organisation interprofessionnelle des éditeurs et des libraires. Avec environ 6 000 librairies, nous disposons d’un réseau très dense. Environ 3 000 maisons d’édition permettent d’avoir une offre extrêmement diverse. Cela s’explique par un cadre général favorable avec notamment le prix fixe du livre et une TVA réduite pour les livres papier et audio. Autre caractéristique, la diffusion-distribution fonctionne bien. Les différents acteurs de la branche travaillent bien ensemble."

"Le marché allemand reste l’un des plus dynamiques au monde. Avec environ 6 000 librairies, nous disposons d’un réseau très dense." Alexander Skipis, Börsenverein- Photo CLAUS SETZER/BORSENVEREIN

La fin des grandes manœuvres

Le chiffre d’affaires global des 100 plus grands éditeurs d’outre-Rhin répertoriés par notre confrère Buchreport s’est fixé à 5,67 milliards d’euros en 2014, soit 1 % de moins que l’année précédente. Une donnée brute qui recouvre des situations contrastées : selon Buchreport, 39 éditeurs ont connu des variations de leur chiffre d’affaires supérieures à 5 %. Mais l’ère des grandes manœuvres semble passée. La fusion en 2013 de Penguin et de Random House, filiale de Bertelsmann, après le feu vert des autorités anti-cartels allemandes, a donné naissance au premier groupe d’édition généraliste dans le monde. Si le groupe britannique d’édition scolaire Pearson détient encore 47 % des parts de Penguin Random House, le groupe fusionné est majoritairement détenu par Bertelsmann, qui a aussi renforcé sa position de leader en Allemagne.

D’autres acteurs, notamment dans l’édition spécialisée (l’édition généraliste ne représente que 36 % de l’activité), ont achevé leurs grandes manœuvres. Springer Science+Business Media et la division scientifique de Macmillan ont fusionné sous l’autorité du groupe Holtzbrinck (53 %), tandis que d’autres éditeurs scientifiques et spécialisés se sont recentrés sur leur cœur de métier, tels Cornelsen ou Klett dans le secteur éducatif, qui se sont retirés du marché des livres pour enfants.

Consolidation des chaînes

En librairie, "la consolidation des grandes chaînes s’est poursuivie, observe Alexander Skipis. En termes de surfaces et de nombre de points de vente, elles se sont stabilisées à un niveau un peu inférieur. Cela affecte à la baisse les chiffres, mais de manière modérée." La descente aux enfers jusqu’en 2014 de Weltbild, troisième chaîne de librairies du pays, n’a pas été freinée par la montée en puissance du groupe familial Droege. Bien au contraire. Après avoir raboté de moitié les effectifs du groupe, Walter Droege, investisseur de Düsseldorf, semble décidé à se séparer d’une branche logistique en difficulté. Le groupe Lesensart, acquéreur de 67 succursales, vient, lui, de déclarer son insolvabilité. Seules gagnantes de l’histoire, des chaînes régionales comme Mayersche, Osiander ou Rupprecht réussissent à tirer leur épingle du jeu. "Il existe en Allemagne une librairie de taille moyenne très bien implantée, se félicite Alexander Skipis. Ces trois groupes se développent de manière continue."

Dans ce contexte, les libraires indépendants misent particulièrement sur leur implantation locale, tout en tentant des initiatives communes. Le succès de Genialokal (genialokal.de), une plateforme numérique mise en place par le groupement eBuch, en témoigne. Il réunit plus de 650 établissements dans toute l’Allemagne. "Nous avons mis en place ce site de vente, où les gens peuvent voir en ligne ce qui est disponible et le commander avant d’aller l’acheter dans la librairie près de chez eux, explique Angelika Siebrands, une des responsables de ce groupement. Comme cela, les clients savent que l’argent va atterrir dans un commerce de leur ville, et pas au Luxembourg."

Anti-Tafta

La résistance aux géants de la vente en ligne mais aussi contre le traité de libre-échange transatlantique (Tafta) en cours de négociation mobilise largement la branche. "Un instrument comme le prix unique du livre est étranger au marché américain. On peut supposer que les Etats-Unis le tiennent pour une entrave au commerce qui doit disparaître", s’est inquiété l’éditeur Georg M. Oswald, P-DG de Berlin Verlag, dans les colonnes de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Les libraires indépendants sont en pointe sur ce dossier, avec notamment une campagne d’affichage anti-Tafta dans leurs vitrines. Le Börsenverein n’est pas en reste : "Nous avons, depuis le début, pointé les risques du Tafta et demandé à la Commission de s’engager par écrit à ce que le prix unique ne soit pas remis en question, rappelle Alexander Skipis. Nous avons entre-temps obtenu satisfaction de la part de la commissaire [européenne au commerce] Cecilia Malmström, mais nous allons par la suite suivre avec la plus grande attention le déroulement des négociations."

L’enracinement local est au cœur de la stratégie des libraires, qui peuvent aussi s’appuyer, dans le numérique, sur le succès de leur liseuse Tolino. Celle-ci a franchi en septembre, en termes de livres téléchargés, la barre des 45 % de parts de marché en Allemagne, contre 39 % pour le Kindle d’Amazon. Dans ce domaine au moins, le "made in Germany" fait encore recette.

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