En 1987, à San Remo, pour les besoins d'un reportage, le narrateur de Philippe Brunel découvre les restes de l'ancien Hotel Savoy. Là où le chanteur Luigi Tenco s'est tiré une balle dans la tête dans la nuit du 27 janvier 1967. Tenco avait 28 ans, il était l'amant présumé de Dalida.
Journaliste, le double littéraire de Brunel broie du noir. Il a divorcé de Susan, tombée dans l'alcool, s'interroge sur son métier et sur sa vie. Voici qu'un ancien collègue a besoin de ses services. Trois ou quatre jours, tous frais payés. Le temps d'un reportage où il devra justement élucider les zones d'ombre de la relation entre Dalida et Tenco, et de la mort de ce dernier. Un véritable "imbroglio à l'italienne".
Il lui faut revenir en arrière. Jusqu'à un fameux festival de la chanson où le malheureux Luigi a été balayé d'entrée de jeu par le jury. Né à Gênes, fan de Nat King Cole et de Chet Baker, sympathisant du PC jusqu'en 1964, Tenco était décrit comme altruiste et généreux. Son premier 33 tours avait connu un vif succès en 1965. On le disait séducteur, amateur de jolies femmes. Idéaliste et peu enclin à se plier devant le système. Quelle relation avait-il vraiment avec Dalida, la "diva consacrée des prime times" dont on murmure qu'elle avait perdu la tête pour lui ? Pourquoi s'est-il servi de son arme de la main gauche alors qu'il était droitier ? Se supprime-t-on seulement à cause d'un manque de reconnaissance ?
L'enquêteur pointe les anomalies et les lacunes du dossier, étudie la thèse du suicide. Quel rôle a joué là-dedans Lucien Morisse, l'ancien mari de Dalida ? Un pygmalion et directeur artistique d'une radio périphérique qui allait se suicider quelques années plus tard à son domicile parisien "sans l'ombre d'une explication", mais avec une arme identique à celle utilisée par Tenco. Le héros de l'auteur de Vie et mort de Marco Pantani (Grasset, 2009) est obligé de composer avec "un tissu lacunaire de conjonctures impénétrables, de témoignages invérifiables" dont il doit se satisfaire. Il en résulte un roman mélancolique dont le charme noir s'incruste durablement dans la tête du lecteur.