L'ombre de la Comco sur le salon de Genève

© salon du livre et de la presse de genève

L'ombre de la Comco sur le salon de Genève

Au Salon du livre et de la presse de Genève, les professionnels s'inquiètent des conséquences de la décision prochaine de la commission de la concurrence à propos de l'organisation de la diffusion en Suisse romande.

Par Hervé Hugueny
avec hh, à genève Créé le 15.04.2015 à 23h36

Les nombreux visiteurs qui se pressaient dans les allées dès l'ouverture du 27è salon du livre et de la presse, organisé du 1er au 5 mai au parc des expositions de Genève, ont fait le bonheur des éditeurs et libraires exposants, globalement satisfaits du volume des ventes au soir de cette première journée. Joël Dicker, jeune écrivain suisse couronné du grand prix de l'Académie française pour La vérité sur l'affaire Harry Quebert (De Fallois/L'Age d'homme), en était la vedette incontestée.

Le salon a pourtant ouvert dans un contexte particulier : le groupe Hachette en est absent, de même que l'OLF, important diffuseur-distributeur romand. Interforum et Servidis (diffuseur distributeur de La Martinière/Le Seuil) sont toujours là, mais sur une surface réduite de moitié. Gallimard, Actes Sud, Dargaud, L'école des loisirs avaient en revanche maintenu la dimension habituelle de leur stand, de même que les éditeurs locaux, d'un poids toutefois bien moindre que les groupes français.

Les réservations de surface avaient dû se prendre à la fin de l'été dernier, alors que le marché suisse du livre accusait un sérieux recul, et que la commission de la concurrence (Comco) venait de rendre une très sévère proposition de décision dans l'enquête qu'elle menait depuis 4 ans à propos de la diffusion du livre en Suisse romande, dont l'organisation est dominée par des filiales de groupes français.

Nouveau contexte

Aucune date n'a été donnée pour la décision finale, qui pourrait tomber dans les prochains jours, ou au plus tard fin juin, mais il ne fait de doute pour personne que la Comco maintiendra son avis quant à l'accusation d'entrave à la concurrence, et qu'elle infligera des amendes dont seul le montant est incertain. Dans sa proposition initiale, avant d'avoir entendu les remarques des intéressés, elle recommandait le montant maximum, qui atteignait au total plusieurs dizaines de millions d'euros.

Le contexte a toutefois doublement changé. D'une part, les ventes en librairie se sont bien redressées, et tout particulièrement chez les indépendants, pour peu qu'ils soient implantés loin de la frontière, et de la concurrence de points de vente français des prix en euro, très dévalué par rapport au franc suisse. D'autre part, plusieurs voix ont pris la défense des diffuseurs, alors qu'ils étaient jusqu'alors considérés comme des fauteurs d'inflation du prix du livre.

Biotope fragile

Lors de l'inauguration du salon, Robert Hensler, président de Palexpo, société gestionnaire du parc des expositions et organisatrice du salon, a ainsi redouté que la Comco agisse comme « un éléphant dans un magasin de porcelaine » , et que sa décision fasse finalement le jeu d'Amazon. Le cybermarchand expédie en Suisse les livres au prix français, TVA déduite, et sans frais de port. Dans son éditorial du jour, Le Temps, quotidien de Genève, qualifiait la diffusion de « biotope fragile ». Et les libraires indépendants déclarent sans détour leur soutien à cette organisation de la diffusion, alors que leur avis pouvait être plus nuancé auparavant.

La question du prix empoisonne le marché du livre en Suisse depuis des années. Les livres importés sont augmentés d'une tabelle, d'un montant variable suivant les diffuseurs, et qui couvre les coûts de la diffusion-distribution locale, très élaborée pour un marché estimé à 1,5 million de francophones. Les discussions sur le niveau de cette tabelle ont débouché sur une loi encadrant le prix des livres, finalement repoussée par référendum en mars 2012. La campagne préalable au vote a exacerbé les prises de position. La chute de l'euro n'a rien arrangé, plusieurs partis politiques et associations de consommateurs estimant que les diffuseurs ne l'avaient pas assez répercutée dans les prix des livres convertis en francs suisses. Mais la marge des libraires dépend du taux de remise, et du prix du livre, donc du montant de cette tabelle fixée par les diffuseurs.

15.04 2015

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