Est-ce l'envie de mitonner de bons petits plats pour résister aux frimas ou la perspective des réveillons ? Le secteur du livre de cuisine réalise un tiers de ses ventes sur le seul mois de décembre. Autant dire que la mise en place de cette fin d'année est un enjeu de taille. Pour émerger parmi une offre de plus en plus dense, la marque éditeur est un atout. « La cuisine est l'un de nos gros pôles, et quand nous disons aux libraires que c'est un enjeu et qu'on y croit, ils nous suivent, confirme Émilie Franc, directrice éditoriale du secteur pratique chez Larousse.
Même réflexion chez I2C éditions, qui a investi le marché du coffret en 2008. « Les acheteurs nous connaissent. Le secret d'un coffret qui rencontre son public, souligne son directeur et fondateur Franck Zimmer. C'est l'alliance d'un accessoire qualitatif et d'une thématique forte avec un bon rapport qualité-prix. » De leur côté, les éditions de l'Épure s'appuient sur un lectorat dont la fidélité les a poussés à créer, il y a une quinzaine d'années, une offre abonnement, Épure Addict.
Les « frénétiques » reçoivent toutes les nouveautés, les « mesurés », les titres de la collection « Dix façons de préparer ». « Les journalistes et les libraires sont ultra-sollicités, explique Sabine Bucquet-Grenet, la fondatrice des éditions de l'Épure. Mais comme notre offre est différente, nous parvenons à obtenir une petite visibilité. »
Les coffrets bien placés
Sur un marché qui a pesé 112 millions d'euros ces douze derniers mois, le livre grand format mène la danse et représente 85,72 % du chiffre d'affaires, suivi des beaux-livres (13,74 %). Mais les volumes ont diminué : -7,2 % entre 2022 et 2023. Portés par les confinements, le besoin et l'envie de cuisiner maison des Français, les années 2020 et 2021 avaient été « extraordinaires », de l'avis des éditeurs. Le rythme métro-boulot-dodo a repris ses droits. Place aux livres de recettes rapides et pas chères et aux ouvrages dédiés à l'Airfryer.
« Le coffret cuisine a remplacé le beau-livre sous le sapin parce qu'il y a un bonus : l'activité à partager, et dès qu'il y a une jolie céramique, un mug, ça se garde », explique Franck Zimmer. Il reconnaît que depuis quatre ou cinq ans les tendances, comme il y a pu avoir pour le macaron et plus largement la pâtisserie, n'existent plus vraiment. Mais le coffret permet de toucher un public beaucoup plus large que celui qui achète régulièrement des livres. Un produit intéressant pour les éditeurs comme pour les libraires.
Les chefs toujours en tête
À la frontière entre deux secteurs, la cuisine santé est en forme, mais les livres de chefs restent la valeur sûre. Cyril Lignac, Philippe Etchebest, Yotam Ottolenghi et Norbert Tarayre figurent toujours dans le top 10. Ils sont entourés des journalistes culinaires, comme Laurent Mariotte (Je cuisine avec 3 ingrédients et pour 3 fois rien !, chez Solar, 81 315 exemplaires vendus selon GFK.) et François-Régis Gaudry, dont les encyclopédies se sont imposées dans le paysage éditorial culinaire. Son premier ouvrage personnel, Recettes et récits : les meilleures recettes sont celles qui se partagent, qui paraît le 11 novembre chez Marabout, s'annonce comme l'un des titres phares de cette fin d'année.
« La production est très forte sur notre secteur, rappelle Christine Martin, directrice éditoriale du secteur Cuisine et vin chez Marabout. Pour émerger, les éditeurs ont besoin d'allier un concept éditorial fort à un auteur puissant, qui s'adresse à un large public et qui saura parler de la cuisine différemment. » Cette association explique le succès inégalé de Simplissime, de Jean-François Mallet, paru en 2015 chez Hachette cuisine. « Notre maison a un catalogue d'auteurs qu'elle suit, et chacun possède sa personnalité, renchérit Laure Aline, directrice éditoriale du secteur Art de Vie chez La Martinière. Ils ne sont pas interchangeables. »
Les influenceurs aussi
Repérés sur les réseaux, certains influenceurs réussissent à performer : « On va les chercher parce qu'ils incarnent quelque chose de fort en cuisine, qui légitime la publication d'un ouvrage, explique Christine Martin. Louloukitchen est parvenu à imaginer des livres à succès qui ne sont pas de simples copier-coller de son compte instagram. » Pari réussi également pour Raphaëlle Lelong, @charlie.ma.vie, (577 000 followers et 16 092 exemplaires vendus selon GFK) pour Légumes marinés, rôtis, confits, son premier recueil de recettes, publié en avril 2024 par Solar.
Le renouvellement du secteur se joue aussi sur le livre cadeau de fin d'année, très spectaculaire avec du jaspage, de la dorure... « Pour des éditeurs qui ont un ADN illustré très fort, c'est passionnant », confirme Emilie Franc.
Bu et approuvé
Le sous-segment des vins et boissons représente moins de 15 % des ventes, mais les éditeurs ne le négligent pas, car ils misent sur les long-sellers. « La conception d'un ouvrage sur le vin exige une réflexion poussée, explique Emilie Franc, car ils nécessitent un équilibre entre un certain classicisme attendu par le lectorat traditionnel et la modernité du concept. Mais un bon livre sur le vin se vendra pendant dix ans et peut devenir un pilier. » En œnologie, la crédibilité des auteurs reste essentielle pour convaincre un public particulièrement pointu. À la hausse : les cocktails sans alcool. I2C éditions mise,lui, pour ce Noël, sur un coffret autour des rhums arrangés avec un tonneau en bois, un pari, et un tirage à 13 000 exemplaires.