Comme il l’annonçait en 2011 lors de la publication chez Grasset des Lettres à Hélène (1947-1980), Olivier Corpet, qui a établi l’édition de ces Rêves d’angoisse sans fin avec la collaboration de Yann Moulier Boutang, auteur d’une biographie de Louis Althusser, le confirme dans sa présentation : voici le dernier des volumes d’inédits posthumes du philosophe disparu en 1990, dix ans après avoir étranglé sa femme Hélène Rytmann dans une crise de démence.
Travail "compliqué" que ce dernier chantier de valorisation de l’exceptionnel fonds d’archives conservées par l’Imec, qui propose là un matériau brut et intime. Plus ou moins détaillés, plus ou moins confus, ces récits de rêves, extraits de lettres et de notes, pour certains archivés par Althusser lui-même, font partie des sources dans lesquelles le philosophe a puisé avant d’entreprendre en 1985 la rédaction de son autobiographie L’avenir dure longtemps (Stock, 1992). Traversés par les femmes aimées (Claire, Hélène, Franca), les parents, les amis, ils témoignent non seulement de la place qu’accordait Althusser aux rêves et à leur interprétation - " Le rêve est toujours en avance sur la vie […], ce qui veut dire que la vie vérifie toujours ce que le rêve a discerné et conclu avant elle", écrivait-il à Claire en 1958 - mais sont surtout une plongée dans l’inconscient du philosophe.
En écho à des rêves étrangement prémonitoires d’août 1964, un texte au "statut incertain" datant de 1985, intitulé par les éditeurs Un meurtre à deux et présenté comme une "note attribuée à son psychiatre traitant", clôt de façon très troublante ce recueil réservé aux lecteurs déjà familiers de la vie d’Althusser. V. R.