22 août > Roman France > Abnousse Shalmani

"Toute histoire commence un jour, quelque part." Celle d’Abnousse Shalmani prend racine à Téhéran, où elle est née en 1977. La révolution islamique pousse les siens à s’installer à Paris. Cette nouvelle terre n’a pas fait taire la révolte qui grondait déjà chez l’auteure de Khomeiny, Sade et moi (Grasset, 2014). "Ecrire, c’était dire" tout ce qui était caché, tabou, interdit. La voix de la fiction l’emporte ici pour retracer la douleur d’un arrachement au pays d’origine.

Les exilés meurent aussi d’amour suit le cheminement d’une famille, scrutée par Shirin. "Je n’avais que huit ans, je portais le prénom d’une antique reine arménienne dépressive et mon visage était un point d’interrogation." Un fatras d’émotions ne comprenant pas forcément l’ampleur des enjeux qui l’entourent. "En Iran, on faisait tout en famille." La tradition se maintient lors de l’installation en France. Le clan se resserre face à l’adversité de la nouveauté. Alors que Shirin tente de s’intégrer, les adultes réaniment la flamme de la révolution et de la fidélité maladive à leur lignée. Les parents, bouleversants, contrastent avec les tantes véhémentes, méchantes ou manipulatrices. On se croirait presque dans un roman russe ou sud-américain, aux personnages tragiques et savoureux.

Tous souffrent toutefois d’un mal bien précis: "L’exil est une identité, un langage, un passé sans avenir. L’exil est une île où se retrouvent tous ceux qui n’ont ni le visage du pays natal ni celui du refuge. Il est impossible de pleurer la nostalgie, c’est l’hymne national de l’exil." Une construction de soi ponctuée de contes et de légendes.

Comment trouver sa place parmi ces idéalistes d’un autre temps? Shirin grandit au fil des pages en questionnant, tantôt douloureusement tantôt avec curiosité, la féminité entre deux terres. Elle fuit par moments son environnement étouffant pour s’ouvrir aux autres et à l’amour. A l’instar d’Abnousse Shalmani, elle pressent pourtant que "le passé ne passe pas. [Elle] pouvait être écrivain à la condition de mettre [ses] viscères sur la table et d’écrire avec [son] sang." Mission réussie. K. E.

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