16 février > Essai France

Un écrivain ne possédait dans sa bibliothèque que la Bible et les œuvres de Shakespeare. Pour comprendre le monde, cela lui suffisait. "Ce qui n’est pas dans la Bible est dans Shakespeare." Il est vrai que le dramaturge de Stratford-upon-Avon mort il y a cinq siècles ans avait largement puisé dans la première. Il n’est donc pas étonnant qu’un des meilleurs spécialistes de Shakespeare se penche sur la Bible, non pas pour y dénicher ce qui inspira le génie britannique, mais pour y dévoiler l’incroyable poésie. C’est cette expérience que l’ancien titulaire de la chaire d’étude de création littéraire en langue anglaise au Collège de France souhaite mettre en lumière dans cet essai vif et inspiré.

L’auteur aborde la Bible en chrétien, mais ce qu’il en dit s’applique à tout texte poétique, dès qu’il s’agit d’une grande œuvre. Michael Edwards décrit ce sentiment de présence qui affleure, cet "arrière-pays", cher à Yves Bonnefoy, qui se dessine lorsque la poésie prend corps. Il est beaucoup question du Nouveau Testament, notamment de l’Evangile de Luc, dans cette étude, mais aussi du Cantique des cantiques ou du Livre de Job, c’est-à-dire de tous ces textes qui ouvrent sur une autre dimension.

"La poésie attire l’attention sur le langage et sur le mystère des mots." Poète lui-même, Michael Edwards ne confond pas pour autant le religieux et le profane. Mais dans l’un comme dans l’autre, la poésie laisse entrevoir l’étrange, quelque chose qui relève de la nature corporelle du langage, une forme dont on pourrait se saisir mais qui ne cesse de s’échapper. C’est pour cela qu’on relit ou qu’on redit de la poésie, afin d’éprouver cette sensation d’être avec celui qui écrit et qui s’enfuit.

Académicien français depuis 2013, sir Michael Edwards - il a été anobli il y a deux ans - lance avec ce petit livre une invitation à lire ou à relire la Bible autrement, en se méfiant de la paraphrase et en se laissant porter par la puissance poétique de cette sacrée histoire. L. L.

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