Surtout connu pour ses romans, où passe le souffle puissant de l’imagination, de l’histoire et de l’aventure, du dépaysement au sens fort du terme, Olivier Bleys est aussi un grand voyageur. On lui doit, entre autres récits, une chronique sur Madagascar, premiers pas au pays d’argile (Fer de chances, 1999), une Epître à Loti, l’un de ses maîtres (L’Escampette, 2003), et un essai "théorique", Le voyage (Desclée de Brouwer, 2002). "Avant de rendre l’âme, confie-t-il, j’aimerais avoir foulé tous les continents, frotté mon oreille à toutes les langues et cuit ma peau à tous les soleils."
Ainsi que le savent ceux qui le suivent sur Internet, Bleys s’est lancé, en 2010, c’est-à-dire, note-t-il, à 40 ans passés, dans une singulière aventure : un tour du monde à pied, le plus souvent en solitaire - ce dont il avoue souffrir beaucoup, plus que de tout le reste -, mais par étapes, "morcelé", "fragmenté", le long d’un tropique personnel, à partir de Pampelonne (par hasard), dans les "latitudes tempérées de l’hémisphère Nord". Depuis, il part chaque année, au moins un mois, reprenant son périple exactement là où il l’a laissé la fois d’avant. Et si, pour rejoindre ce point, il utilise différents moyens de transport, une fois qu’il est "sur zone", il refuse toute compromission, même le vélo ou l’auto-stop ! C’est un projet à la fois modeste et mégalomaniaque, qui n’obéit, il le reconnaît lui-même, à aucun but tangible, si ce n’est le dépassement de soi. Bleys ne marche pas par mysticisme (à un moment, il emprunte le chemin de Compostelle, mais à rebours), ni pour une cause humanitaire, même pas pour découvrir un pays, une langue ou des gens. Simplement pour marcher.
Vieille comme l’homme, pratiquée et célébrée par des écrivains de plus en plus nombreux ("professionnels", comme Bernard Ollivier ou Paolo Rumiz, "occasionnels", comme Jean-Christophe Rufin ou Jean-Paul Kauffmann) auxquels elle a inspiré des livres superbes, la marche est une philosophie, une discipline voire une ascèse, et donc en passe de devenir un mini-genre littéraire au sein du vaste rayon des "récits de voyage". Celui de Bleys y prend toute sa place.
Ce qui frappe, c’est ce carcan de règles qu’il s’impose à lui-même, tout en en souffrant, autant que des fameuses ampoules, lesquelles assombrissent la vie de tous les marcheurs. Cette introspection permanente et cette pratique maniaque de tout noter "en temps réel" dans les carnets qui ne le quittent pas, et dont des extraits jalonnent les pages de L’art de la marche.
A la fin de son livre, il était aux confins de la Hongrie, sur le point de passer en Ukraine. Qui sait où il se trouve aujourd’hui ? Mais, si le cœur t’en dit, lecteur, il recrute des "compagnons de marche". Ecrire à son éditeur, qui transmettra. J.-C. P.