30 août > Essai France > Pacôme Thiellement

"Nous ne sommes pas responsables de la misère dans laquelle nous naissons ; nous sommes responsables de la misère que nous nous infligeons." C’est dans la Bibliothèque de Nag Hammadi, les textes apocryphes chrétiens excavés en Egypte en 1945, que Pacôme Thiellement a puisé son inspiration et l’intuition, comme la philosophe Simone Weil, "qu’on a voulu nous cacher quelque chose" des écrits des premiers siècles, notamment l’Evangile de Thomas, ceux que l’on nomme les gnostiques et qu’il appelle les Sans Roi. "Tous autogénérés, coexistants, d’égale puissance, glorieux et innombrables."

L’auteur de La main gauche de David Lynch (Puf, 2010) veut nous convaincre que "Jésus n’était pas un pisse-froid". Autrement dit, pas comme Paul et Pierre, un peu tatillons sur la doctrine, le sexe et les plaisirs. A cause d’eux, "nous vivons comme des dieux, mais nous crevons comme des porcs". Le catholicisme s’est abandonné à la pompe et au luxe en oubliant le vrai message du Christ en faisant vivre une vie d’enfer à tout le monde. Il est donc grand temps d’arrêter la chute de l’Occident annoncée depuis des siècles et de revenir à ce christianisme primitif, anarchiste et libéré, illustré, selon lui, hier par les Cathares et qui retrouve sa force aujourd’hui dans la pop culture et les séries télévisées comme Le prisonnier, Twin Peaks ou Buffy contre les vampires.

Dans cette pop théologie provocatrice mais solidement documentée, on croise aussi Philip K. Dick, Led Zeppelin, René Daumal, Baudelaire et les Beatles avec l’album Rubber soul qui parle des solitaires "dont on ne sait d’où ils viennent", référence implicite, nous dit Thiellement, à ces Sans Roi des premiers siècles chrétiens. La question du diable, toujours débattue au sein de l’Eglise, est aussi abordée de manière peu dogmatique. "L’enfer, c’est de toujours faire les choses en s’en foutant. C’est de vivre en pensant à autre chose."

Voilà un livre énergique, surprenant et inclassable, comme son auteur, qui propose une autre exégèse du contemporain. Il ne prétend pas sauver l’Occident mais le rendre plus désirable à travers une spiritualité plus ouverte. "J’ai toujours pensé que les textes les plus extraordinaires, c’étaient ceux qu’on n’avait pas lus." Et qui donc restent à lire. Voilà pourquoi les autres comme ceux du Nouveau Testament sont passés au pressoir mystique de cette pop culture. "L’Evangile de Jean est un livre qui parle de la lumière qui est en chacun de nous et non du corps qui devrait être purifié pour servir de support à la résurrection." Ça va à toute vitesse. L’underground chrétien défile sous nos yeux, de Simon le Magicien à John Lennon sans oublier les commandements de Frank Zappa. "Si tu finis avec une vie chiante et misérable parce que tu as écouté ta maman, ton papa, ton prof, ton prêtre ou un quelconque type à la télévision te dire comment tu devais faire les choses, alors tu l’as mérité." Pas de doute, l’Evangile selon Pacôme, c’est Thiellement mieux ! L. L.

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