Yahia Belaskri, invité par le festival à intervenir dans une université de lettres, a été surpris du manque de connaissances des étudiants qui sont certes de fin connaisseurs de la littérature française mais n’ont pas conscience de la richesse du patrimoine littéraire qui est le leur. En observateur extérieur puisqu’il est français d’origine algérienne, il présente les trois textes fondateurs, pour comprendre la littérature marocaine contemporaine.
« La poésie est pour moi l’art au dessus de tout et je commencerai donc par citer un poète Mohammed Khaïr-Eddine et son livre Soleil arachnide. » Gallimard l’a intégré à sa collection « Poésie » en 2009 soit quarante ans après sa publication au Seuil. Mohammed Khaïr-Eddine, décrit dans la flore et la faune ambiantes, les animaux les plus rares, les plantes aux noms oubliés. « Il bouscule tous les codes des genres du romanesque à la poésie pure. C’est époustouflant, une rébellion face aux dogmes, un rejet des tabous. Et il plonge le lecteur dans un abyme très noir. » précise Yahia Belaskri.
« Le romancier essentiel pour comprendre la littérature marocaine est Driss Chraïbi. Son roman Le passé simple pour la société orientale face à l’occident et qui fut vivement critiqué en France et au Maroc au point que l’on parle de « l’affaire Passé simple », ajoute-t-il. Dans ce roman qui est disponible en « Folio », Driss Chraïbi projette avec une rare violence le roman maghrébin d'expression française vers des thèmes majeurs : poids de l'Islam, condition féminine dans la société arabe, identité culturelle, conflit des civilisations. Aujourd’hui il est enseigné au Maroc et a fait l’objet de nombreux travaux de recherche.
« Je me dois de citer quelqu’un pour qui j’ai une tendresse particulière , Mohammed Choukri, car il est parti de rien, a appris à lire et à écrire à 21 ans et a fait un livre aussi puissant que brutal, Le pain nu », ajoute-t-il. L’histoire éditoriale de ce texte, de nouveau disponible en France depuis la fin de l’année dernière chez Points, est incroyable. Enfant des rues côtoyant la misère, la drogue et la prostitution, Mohammed Choukri rencontre dans la cosmopolite Tanger Paul Bowles et Tennesse Williams. Il raconte son histoire qui deviendra cette autobiographie crue. Paul Bowles la traduit et la publie aux Etats Unis en 1973, Tahar Ben Jelloun le traduira en français en 1980 chez Maspero et il arrivera bien après au Maroc car il fut interdit jusqu’en 2000.
Et pour conclure, Yahia Belaskri ajoute un coup cœur : L’hôpital du cinéaste et écrivain Ahmed Bounani, texte paru pour la première fois en France chez Verdier en 2012. Il décrit la vie quotidienne de ce microcosme qu’est l’hôpital, dressant le tableau sidérant de cet enfermement.
Yahia Belaskri devrait publier son nouveau roman Les fils du jour ou les sombres années à la rentrée et avant cela signe les textes accompagnant les photos de Francesco Gattoni dans l'ouvrages de Haïti en lettres et en images à paraître en mai chez Magellan et Cie.