"Elles font…", au choix, "des histoires", "le ménage", "mauvais genre", "tapisserie", "école", "désordre", "des affaires" ou "des scènes" : sous ces catégories fantaisistes, l’agrégée de lettres Eli Flory a regroupé, brouillant les lieux et les époques, des spécimens précisément hors catégorie, une soixantaine de femmes "scandaleuses" que l’auteure, qui souligne la plasticité de la notion, définit ainsi : "Ces femmes ont en commun de s’être lancées dans la vie sans autre filet que cet activisme du moi dont chacune a usé à sa façon.""A l’inverse de la provocatrice, la scandaleuse vit pour elle et non au travers du regard des autres." Femmes monstrueuses de liberté, à l’image de la révolutionnaire Olympe de Gouges, l’auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, pasionaria de l’égalité qui estimait qu’une femme qui avait le droit de monter à l’échafaud devait avoir celui de monter à une tribune.
Sagan, Colette, Beauvoir, Bardot, Chanel… - certaines croisées dans l’imposant Dictionnaire universel des créatrices récemment publié aux éditions des Femmes (1) - côtoient des échevelées plus obscures : Coccinelle, "née femme avec un sexe d’homme", Marguerite de Porete "clergesse laïque" brûlée le 1er juin 1310 en place de Grève, Valtesse de la Bigne… Nombre d’entre elles partagent la caractéristique d’avoir repoussé les frontières de leur sexe, comme Christine de Suède qui "en rendant les distinctions indistinctes troubl[ait] le genre".
Eli Flory ne se contente pas de rédiger de sèches notices biographiques mais offre à ces femmes de véritables compliments élégamment tournés, façon chanson de geste, ponctués par les illustrations de Vaïnui de Castelbajac, où chacune de ces glorieuses est associée à un objet totem ou à un élément fétiche qui signent leur identité : le mobilier pornographique de Catherine II de Russie, le lit à baldaquin de Frida Kahlo, le répertoire de Grisélidis Réal, la salamandre de Zelda Fitzgerald ou la Dyane rouge de Gabrielle Russier, coupable d’avoir aimé un garçon qui n’était pas de son âge et qui, avant d’ouvrir le gaz, a télégraphié à son avocat ces derniers mots : "Merci. Vive le soleil. Antigone." V. R
(1) Voir LH 973, du 8.11.2013, p. 55.