Ce travail a permis à l'AQSL de réaffirmer « qu'un salon a pour triple rôle de promouvoir le livre et la lecture, de commercialiser des livres et de favoriser la rencontre entre les acteurs du milieu du livre et avec le public », explique Daniel Gélinas. Il doit aussi « être circonscrit dans le temps » pour ne pas venir concurrencer d'autres modes de promotion et de commercialisation du livre. Plus généralement, « un salon du livre n'est pas statique, souligne son confrère du salon de Rimouski, Robin Doucet. La pandémie nous a forcé à sortir de notre zone de confort et nos initiatives en ligne nous ont permis de toucher des publics beaucoup plus éloignés du livre qu'à l'ordinaire », se félicite-t-il.
Vente du fonds
« Chaque salon a sa propre raison d'être, il ne faut pas les confondre », demande de son côté la directrice générale du distributeur Dimedia, Nadine Perreault, pour qui ils sont « complémentaires des librairies. Même leurs ventes ne sont pas forcément les mêmes, ils écoulent plus de titres du fonds. » L'éditrice Elodie Comtois (Ecosociété) note d'ailleurs que « l'éclipse des salons pendant 18 mois a porté un coup aux ventes du fonds des éditeurs. J'y vends beaucoup de titres à un exemplaire, précise-t-elle, se réjouissant aussi que « les salons permettent aux éditeurs la rencontre avec les professionnels et les médiateurs culturels d'une région ».
En facilitant la rencontre, qui s'est malheureusement érodée avec la pandémie, « les salons du livre sont importants en tant que lieux de "découvrabilité" », insiste pour sa part le président de l'Association nationale des éditeurs de livres (Anel), Arnaud Foulon (groupe HMH). Pour le directeur général du Salon du livre de Montréal, Olivier Gougeon, « l'enjeu de la "découvrabilité" va bien au-delà de la découverte. Il a à voir avec notre rôle d'entremetteur et de facilitateur ».
La stratégie des poupées russes
Dans le contexte de la pandémie, Olivier Gougeon rejette la stratégie chronophage et frustrante « des options A, B ou C qu'on préparerait toutes à l'avance pour n'en choisir qu'une seule à la fin », explique-t-il à Livres Hebdo. Pour le Salon du livre de Montréal qui s'est achevé le 28 novembre, il a préféré la stratégie des poupées russes, fondée sur la préparation d'une offre complète, quitte à en supprimer une partie plus ou moins importante au dernier moment en fonction des contraintes sanitaires. En 2020, il n'avait pu proposer finalement qu'un salon virtuel, avec tout de même 100 000 visiteurs uniques pendant l'événement et autant pendant les huits mois qui ont suivi. Cette année, du 13 au 28 novembre, même si les impératifs sanitaires ont limité sa marge de manœuvre pour la conception du salon physique, et s'il a dû faire pour lui de gros efforts commerciaux à l'intention des éditeurs, il a pu faire apparaitre les trois dimensions de sa stratégie.
Premier axe, qui permet de démultiplier l'événement et d'en assurer la promotion préalable, le salon dans la ville, commencé dès la mi-novembre. « Il s'agissait de créer des moments uniques pour permettre au public de s'approprier le salon », détaille le directeur du Salon du livre de Montréal, Répartis dans 10 quartiers de la ville, 85 événements ont été organisés dans une vingtaine de librairies, quelques bibliothèques et des « lieux inédits » tels un centre d'art, un cabaret ou même une salle de gym pour un spectacle « mots et muscles ». « Une multitude de sujets permettent à des publics très spécifiques de se retrouver autour du livre ; or, sur certains d'entre eux, un événement dans un bar où un autre lieu qui draîne déjà la clientèle ad hoc que dans le salon du livre lui-même », estime Olivier Gougeon.
Capsules-éclair
Egalement déployé à partir de la mi-novembre, le deuxième axe, le salon virtuel s'est appuyé sur la production de 65 « capsules-éclair » de 2 minutes 30 permettant chaque fois de découvrir un auteur. Celles-ci ont été complétées, pendant le salon physique, par la vidéodiffusion en ligne de 30 des activités et rencontres, et par la captation de 8 tables rondes qui seront diffusées toute l'année sur la chaîne Savoir Média.
Enfin, couronnant le tout en dépit des règles imposées par le contexte sanitaire (forme standard des stands pour faciliter la circulation et l'étalement du public, jauge de 5000 personnes maximum simultanément, regroupement des dédicaces dans des espaces spécifiques...), le troisième axe, le salon physique, a mobilisé 600 éditeurs et 200 bénévoles, organisant 2525 séances de dédicaces pour 1360 auteurs et drainant un très large public. Même en format allégé, il proposait des lieux de rencontre (agora, cafés, espace jeunesse...). « Un salon n'est pas seulement un escpace commercial, plaide Olivier Gougeon. C'est un lieu de vie, une expérience pour ses visiteurs. »