Les romans français au diapason du monde

L’écologie, et en particulier la survie des baleines, est au cœur du nouveau roman d’Alice Ferney, Le règne du vivant (Actes Sud). - Photo XINHUA/GAMMA

Les romans français au diapason du monde

Pour cette rentrée, les romans français se font plus que jamais le miroir du réel. Les titres balayent des thématiques contemporaines telles que l’écologie, l’économie, l’histoire ou… le monde littéraire.

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Par François Oulac,
avec Créé le 15.04.2015 à 22h43 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Le réalisme est la tendance phare de cette rentrée littéraire. De nombreux titres traitent de sujets en lien avec l’actualité et les problèmes de société, ou tirent leur matière de personnages et d’événements historiques.

L’écologie est ainsi fortement représentée. Le règne du vivant d’Alice Ferney (Actes Sud) suit un militant écologiste qui défend les baleines contre les braconniers, tandis que l’intrigue du roman de Benjamin Berton, Le nuage radioactif (Ring), gravite autour d’un nuage de pollution. L’héroïne de Notre-Dame des Vents de Mikaël Hirsch (Intervalles) est une biologiste partie sur les îles Kerguelen afin d’étudier les effets du réchauffement climatique. Rivières de la nuit de Xavier Boissel (Inculte) est un roman post-apocalyptique, dans lequel un cataclysme planétaire n’a laissé qu’un humain sur terre.

Société et politique.

Avec la crise, social et politique s’invitent naturellement en littérature. Dans Le bonheur national brut (Albin Michel), François Roux raconte les années Mitterrand à travers le parcours de vie de quatre adolescents. La terrible perte du triple A de Corinne d’Argis (Feuillage) transpose avec ironie le déclassement économique de la France dans une maison de retraite fictive. Une crise qui prend des aspects plus graves chez Lisa Benincà qui, dans Des objets de rencontre (Joëlle Losfeld), évoque le quotidien d’un local parisien d’Emmaüs à travers les objets qui le peuplent. Troc café de Sandra Scariot (Jérôme Do Bentzinger) plonge le lecteur dans le quotidien du tramway strasbourgeois. Mais le travail le plus ambitieux sur cette réalité sociale est certainement le roman polyphonique d’Olivier Adam, Peine perdue (Flammarion), qui dresse le portrait d’un pays en crise.

People.

La vie (et la mort) de personnalités réelles continue d’inspirer les auteurs. Bye bye Elvis (Actes Sud) de la Belge Caroline De Mulder confronte deux personnages que tout oppose avec, pour toile de fond, la musique du roi du rock’n’roll. Constellation d’Adrien Bosc, qui paraîtra chez Stock, narre le crash de l’avion dans lequel se trouvait le champion de boxe et compagnon d’Edith Piaf, Marcel Cerdan.

Direction Hollywood avec Marilyn, naissance année zéro de Véronique Bergen (Al Dante) qui revisite le mythe, et Le manteau de Greta Garbo de Nelly Kaprièlian (Grasset) qui scrute la garde-robe de la légendaire actrice suédoise.

Guerres mondiales.

En cette année de commémorations, l’engouement des textes basés sur les deux guerres mondiales ne se dément pas. La prochaine rentrée ne dérogera pas à la règle. Le roman Charlotte de David Foenkinos (Gallimard) suit une artiste peintre déportée à Auschwitz. Le troisième tome du Manifeste incertain de Frédéric Pajak (Noir sur blanc) met en scène l’écrivain Walter Benjamin au début des années 1940. Ce sont des choses qui arrivent de Pauline Dreyfus (Grasset) est l’histoire d’un secret de famille gardé dans le Paris de l’Occupation, invasion nazie également subie par les protagonistes de Churchill m’a menti de Caroline Grimm (Flammarion). Aux mêmes éditions, Les inoubliables de Jean-Marc Parisis reconstitue, à partir de témoignages, la vie d’une commune de Dordogne durant la dernière guerre, où une famille juive sera déportée et douze membres de la Résistance tués. Dans le deuxième tome de sa fresque D’une guerre à l’autre (L’Arzalier), Pierre Benoist entremêle les destinées de protagonistes pris dans la violence de la Grande Guerre. Ombre de vies de Michel Dessaigne (Le Manuscrit) s’intéresse au destin d’un Malgré-Lui rongé par les remords. Changement de bord dans Nach Paris ! de Louis Dumur (Infolio). C’est du point de vue d’un soldat allemand, cette fois-ci, que sont racontées les horreurs des tranchées.

Mise en abyme.

L’un des grands sujets d’inspiration des auteurs cette année est le monde littéraire. Ainsi le prochain roman de Frédéric Beigbeder, intitulé Oona & Salinger (Grasset), fantasme sur la disparition en 1953 de l’écrivain J. D. Salinger qui est par ailleurs la figure centrale du récit de la journaliste américaine Joanna Smith Rakoff (Mon année Salinger, Albin Michel). Je suis fou de toi de Dominique Bona (Grasset) revient sur la liaison passionnée entre le poète Paul Valéry et l’écrivaine et éditrice Jean Voilier. Patrick Deville s’intéresse aux séjours de Malcolm Lowry et Léon Trotsky à Mexico (Viva, Seuil), Christian Carisey à Descartes (Le testament de Descartes, Le Cherche Midi), Alexandra Varrin à Stephen King (Une semaine dans la vie de Stephen King, Léo Scheer).

La figure du romancier fournit également d’innombrables modèles de personnages fictifs. Insaisissable dans Œuvres vives de Linda Lê (Bourgois), le romancier devient détective dans L’écrivain national de Serge Joncour (Flammarion), ou assassin dans La dévoration de Nicolas d’Estienne d’Orves (Albin Michel). Martin, l’écrivain héros du Dernier jour de José Herbert (Atria), découvre avec effroi la date de sa mort sur un site Internet. L’amour et les forêts d’Eric Reinhardt (Gallimard) dépeint la rencontre entre un écrivain et l’une de ses lectrices malade d’un cancer. Dans La langue des oiseaux de Claudie Hunzinger (Grasset), le lecteur suit la course terrifiée de deux écrivaines dans une forêt isolée. Le triangle d’hiver de Julia Deck (Minuit) narre le triangle amoureux qui relie une journaliste, une romancière et un inspecteur. Autre saison, même domaine, le roman Dialogue d’été d’Anne Serre (Mercure de France) interroge la relation de l’écrivain à son imaginaire.

Parodie.

Sur une note plus légère, Noëlle Revaz parodie la rentrée littéraire dans son Infini livre (Zoé), œuvre de SF fantaisiste où les livres ne sont plus que des objets décoratifs. Bertrand Latour (L’attraction du vide, Tatamis) livre lui aussi une satire du milieu éditorial, tandis que le romancier et directeur de la revue Décapage, Jean-Baptiste Gendarme, fait partager son expérience et celles de ses contemporains dans Splendeurs et misères de l’aspirant écrivain : conseils à l’usage de ceux qui souhaitent publier un premier roman (Flammarion). Et la grande connaisseuse de l’édition Gisèle Sapiro cale sur la rentrée la publication, dans la collection "Repères" de La Découverte, de sa Sociologie de la littérature, tandis que La rentrée littéraire de Gilles Defacque (La Contre-allée) est un recueil de textes brefs simulant la critique de livres inventés par le narrateur.

Certains titres prennent littéralement des livres pour personnages principaux. C’est le cas du Roman qui nous racontait des histoires de Jean-Paul Rigaud (Le Manuscrit), histoire d’amour entre un roman et sa lectrice, et de Sous les couvertures de Bertrand Guillot (Rue Fromentin). Dans ce roman, des livres, inquiets à l’arrivée de la rentrée littéraire, décident de réagir une fois la librairie fermée et essaient de se mettre d’accord sur une stratégie commune. Mais entre les premiers romans, les grands écrivains, les académiciens, les intérêts divergent. L’arrivée d’une nouvelle libraire avec des idées neuves met en émoi tous les ouvrages. La mode est décidément à la mise en abyme. F. O.

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