La Casa do Cinema Manoel de Oliveira, à Porto, fait l’éloge du principe de l’incertitude. C’est le titre de l’exposition consacrée à la collaboration professionnelle du cinéaste Manoel de Oliveira et de l’écrivaine Agustina Bessa-Luis et à leur amitié intellectuelle. Avant de débuter le parcours, un documentaire nous fait partager une de leurs conversations, où ils évoquent la marche du monde et leurs interrogations. Ouverte en décembre, l'exposition - accompagnée d'un beau livre catalogue édité par Fundação de Serralves - se tient jusqu’en juin, à l’occasion du centenaire de la naissance de l’auteure. Le musée accueillera ensuite une grande exposition dédiée à Agnès Varda dans le cadre de la saison France-Portugal.
Plusieurs des romans d’Agustina Bessa-Luis ont été adaptés au cinéma par le réalisateur portugais Manoel de Oliveira : Francisca d'après le roman Fanny Owen, paru chez Actes sud en 1987, Val Abraham, Le Couvent d'après La terre du risque, Inquiétude, Le principe de l'incertitude et Le Miroir magique, d'après L'âme des riches. Manoel de Oliveira a aussi adapté Party, à partir de la pièce du théâtre éponyme d’Agustina Bessa Luis, qui confie, au cours de l’exposition, qu’il s’agit de son film préféré parmi toutes ces adaptations. Enfin, elle a co-écrit avec le réalisateur un documentaire autobiographique, Visite ou Mémoires et confessions.
L’exposition, riche en documents et en archives, retrace à la fois cette partie de la filmographie du réalisateur mais révèle surtout comment il adaptait les romans de l’auteure, au fil de leur correspondance épistolaire et à travers des extraits de scénarios ou de films. Il s’agit de faire converger leurs thèmes et de croiser leurs obsessions dans un parcours qui va explorer en profondeur ce qui relie le livre au cinéma. Dans une grande salle obscure, peuplée de pages et d'écrans, on apprend ainsi comment traduire en images des livres qu'il faut savoir trahir.
Agustina Bessa Luis a été une seule fois actrice dans sa vie. Et ce fut pour Manoel de Oliveira. Par amitié, elle avait accepté d’apparaître le temps d’une séquence de Porto de mon enfance (2001). C’est d’ailleurs avec ce monologue dans un restaurant que le visiteur est accueilli.
Décédée en juin 2019, l’auteure était lauréate du Prix Camoes, la plus haute récompense littéraire en langue portugaise, et a écrit une quarantaine de romans depuis La Sybille en 1954, prix Eça de Queiroz et publié en France des décennies plus tard chez Gallimard. Ecrivaine prolifique, publiée en France en grande partie chez Métailié, elle a été honorée et distinguée un peu partout dans le monde.