"Les Villemort se saignaient et se buvaient souvent lors de cènes collectives qui n’étaient pas vécues comme des orgies sanglantes, mais plus communément comme des repas de famille."
France, à l’heure rouge de la Révolution. Les liens du sang qui unissent la famille Villemort, nobles séculairement et honorablement connus, sont mis à mal. Alors que partout, à Paris, où l’Assemblée devient nationale et où la Bastille est prise, et dans leur château aux portes de la ville, la violence est l’unique chanson, il y a ceux qui voudraient, au mépris de leur classe et de la fatalité, "accompagner" le mouvement, et ceux pour qui il est nécessaire d’en rester là, de protéger l’ordre ancien. Tous, pourtant, jeunes et vieux, ont en partage un vampirisme, qui est leur terrible secret, leur faute et leur tragédie. Et les temps sont au sang autant qu’à la mort.
Pour Les talons rouges, son premier roman, l’historien et biographe Antoine de Baecque n’a pas forcément fait le choix de la facilité. Si la Révolution française est l’un de ses sujets d’étude favoris, la "fondre" ainsi au sein d’un récit de genre, le roman gothique, n’avait rien d’évident. La réussite du livre n’en est que plus éclatante. En fait, c’est comme si de Baecque avait moins fait droit à l’historien qui est en lui qu’à l’exégète sensible de la grande histoire du cinéma français d’auteur de la seconde moitié du siècle dernier. Il y a certes du Moine de Lewis dans ces pages (et du Michelet, pour le récit circonstancié de l’effervescence révolutionnaire), mais aussi du Truffaut et du Rohmer, ces cinéastes pour qui l’Histoire était avant tout un vecteur de fiction. Cet exercice-là n’est pas de style, mais il n’en manque pas. O. M.