La proportion des moyens et forts lecteurs a diminué dans la population française, tandis que la part des non-lecteurs et des très faibles lecteurs a augmenté.
Le mouvement de long terme se poursuit, comme le montre l'enquête du sociologue Olivier Donnat sur
Les pratiques culturelles des Français à l'ère numérique, dont les résultats ont été présentés à la presse mercredi 14 octobre, et qui paraît le même jour sous forme de livre à La Découverte.
Dans le numéro de vendredi 16 octobre,
Livres Hebdo décrypte les évolutions mises à jour par cette nouvelle enquête du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture. La précédente remonte à 1997.
Olivier Donnat met en évidence la
“montée en puissance de la culture d'écran”, par rapport à 1997, lorsque seulement 1% de la population française était équipée d'un accès à Internet, contre 56% aujourd'hui.
"depuis plusieurs décennies, chaque nouvelle génération arrive à l'âge adulte avec niveau d'engagement dans la lecture inférieur à la précédente..." Cependant, il n'établit pas un lien de cause à effet entre l'omniprésence des écrans et le recul de la lecture de livres, rappelant aux journalistes que
“cette tendance était déjà à l'oeuvre dans les années 1990. On ne peut pas interpréter toutes les données à l'aune du numérique.”Par exemple, les jeunes en 2008 lisent moins que les jeunes en 1997. Mais,
“depuis plusieurs décennies, chaque nouvelle génération arrive à l'âge adulte avec niveau d'engagement dans la lecture inférieur à la précédente, si bien que l'érosion des lecteurs quotidiens de presse et des forts lecteurs de livres s'accompagne d'un vieillissement du lectorat”, écrit le sociologue dans l'ouvrage.
Cette approche générationnelle ne masque pas des inégalités sociales persistantes. Et les analyses de Bourdieu n'ont rien perdu de leur actualité dans ce domaine, au contraire.
“Les différences entre milieux sociaux (...) ont eu tendance à se creuser au cours de la dernière décennie du fait du décrochage d'une partie des milieux populaires, notamment ouvrier”, souligne Olivier Donnat dans son livre.
Par ailleurs, les hommes sont plus nombreux à ne pas lire que les femmes, 62% déclarant lire peu ou pas du tout de livres, contre 46% pour les femmes.
"les gens sont plus enclins à dire qu'ils ne lisent pas"
Le principal retournement par rapport à 1997 concerne les bibliothèques et médiathèques. Les inscriptions et la fréquentation, en hausse lors de la dernière étude sont désormais en léger recul par rapport à 1997.
La baisse de la proportion des forts lecteurs peut s'expliquer par plusieurs facteurs. D'abord,
“un recul de la littérature dans l'ensemble des livres lus. En situation d'enquête, on pense moins à déclarer les livres pratiques, les beaux livres que l'on consulte, les BD...”, remarque Olivier Donnat.
De plus, les gens osent peut-être davantage avouer aujourd'hui qu'ils lisent peu ou pas du tout.
“J'ai toujours pensé qu'une partie de la baisse de la lecture renvoyait probablement à une moindre surdéclaration”, explique le sociologue.
“Le livre ayant perdu une partie de sa légitimité, notamment chez les jeunes, les gens sont plus enclins à dire qu'ils ne lisent pas.”Les résultats de l'enquête peuvent être consultés sur un site dédié (
http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/) qui donne également accès aux archives des précédentes études.
Philippe Chantepie, directeur du DEPS au ministère, a par ailleurs annoncé qu'un colloque international sera organisé en 2010, probablement avec Sciences Po, pour effectuer des comparaisons avec d'autres pays.
Un ouvrage sur les pratiques culturelles des moins de 18 ans devrait voir le jour au printemps 2010 et sera suivi lui aussi d'un colloque.