Dès la parution de son premier roman, La mémoire égarée (Stock, 2011, repris en J’ai lu), il était évident qu’il allait falloir compter avec Samantha Harvey. Une Anglaise dont le coup d’essai à la prose à la fois lyrique et précise enquêtait sur un homme atteint de la maladie d’Alzheimer.
Deux ans après, la revoici avec La vérité sur William. Le livre s’ouvre lorsque Leonard Deppling est réveillé par le bruit des sirènes de Londres, où s’est manifestement déclaré un incendie. Londres, il y revient après un séjour en Ecosse et après le décès de son vicaire de père. Cet enseignant en congé sabbatique retrouve là son frère aîné, William, qu’il n’a pas revu depuis un an.
Les deux frères ne sont pas semblables. L’un a franchi la cinquantaine, l’autre se rapproche de la soixantaine. L’un aime filet de bœuf et salami alors que l’autre est végétarien. L’un ne se sent jamais mieux que lorsque le vin coule dans ses veines alors que l’autre est indifférent à la boisson. Leonard vient d’être congédié par Tela qui lui a écrit pour lui dire qu’ils se trouvent dans une impasse. Une Tela qui lui reproche d’éviter « de soumettre ses convictions à la réalité ».
William, lui, est marié à Kathy et a deux garçons. Avant de s’éteindre en laissant un joli pactole, le vicaire a demandé à son cadet de découvrir la vérité à propos de William. Ce qui n’est pas une mince affaire. Qui est vraiment ce William qui soutient que « les hommes sont la tragédie moderne » et qui a une façon d’aller « au fond des petites choses absconses qui échappaient aux autres » ?
Accusé d’être responsable des violences causées par un certain groupe Bellevue lors des émeutes contre le nouvel impôt local, William s’en va fréquemment se promener près de Regent’s Canal et s’intéresse aux gens… Distillant un climat à la fois flottant et tendu, le roman de Samantha Harvey est d’une sidérante maîtrise. Et confirme tout le talent de sa jeune auteure.
Al. F.