Un an après la polémique sur la présence de Céline dans les célébrations officielles, le recueil des
Commémorations nationales 2012, publié par le ministère de la Culture via les Archives nationales, suscite à son tour la controverse, cette fois à propos de la fin, en 1962, de la guerre d'Algérie, dont on commémore les 50 ans.
Comme l'a relayé le 20 janvier Pierre Assouline sur son blog
La République des livres, après que l'historien François Delpla l'eut signalé sur le site
Mediapart, le texte sur la “Fin de la guerre d'Algérie” de l'historien Guy Pervillé a été amputé des 4/5, et sa signature a disparu.
Guy Pervillé avait lui-même rendu compte de l'affaire sur son propre
site Internet le 7 janvier, indiquant avoir remis son article
“à la date prévue, et accepté quelques corrections mineures, avant d'envoyer [s]
on texte définitif le 17 juin 2011”. Ce n'est que peu avant Noël qu'il a appris que son texte avait été largement coupé et sa signature supprimée, sans qu'on le consulte. Il dénonce
“ce qui s'avère être le premier acte de censure que j'aie subi en plus de quarante ans de carrière”.
Le texte de l'historien, professeur d'histoire contemportaine à l'université de Toulouse-Le Mirail et auteur de
La France en Algérie. 1830-1954, à paraître le 7 mars chez Vendémiaire, montrait la complexité du processus des accords d'Evian et de l'indépendance de l'Algérie, et a été expurgé des passages mentionnant les exactions de l'OAS, les violences du FLN, les divisions au sein des nouvelles autorités algériennes, ou encore la politique de De Gaulle.
Contactées par
Livres Hebdo, les Archives nationales indiquent avoir privilégié la
“prudence” :
“Pour cette publication, nous faisons appel à des historiens compétents, reconnus, qui en aucun cas ne se livrent à des brûlots pour heurter les uns et les autres, explique Philippe-Georges Richard, délégué aux Commémorations nationales.
Guy Pervillé a été choisi pour ses qualités de sérieux. Assez tardivement, il est apparu que certaines sensibilités étaient encore à vif. Nous avons jugé plus sage de ne pas augmenter les tensions et plus prudent de ramener l'événement aux éléments les plus factuels. Mais toutes sortes de colloques, qui pourront bénéficier de l'argent des Drac [Direction régionale des affaires culturelles],
vont avoir lieu, et les historiens auront l'occasion de débattre.”Après les polémiques concernant Céline, dont le nom avait finalement été retiré de ce qui s'appelait encore les Célébrations nationales suite aux protestations de Serge Klarsfeld (président de l'association des Fils et filles de déportés juifs de France), le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand avait pris soin d'écrire dans le recueil 2012 que
“certaines personnalités, certains événements comportent une part de lumière, mais aussi une part d'ombre. Loin de l'hagiographie et du culte des grands hommes, ce recueil annuel entend bien affirmer le devoir d'histoire et d'intelligence critique qui accompagne le travail de mémoire”.