Claude Durand adore les romans à clés. Il avait déjà, du temps de sa gouvernance chez Fayard, publié sous forme d’un récit à l’eau de rose, signé de Valérie Domain, le livre autobiographie que Cécilia alors Sarkozy avait un temps envisagé d’écrire, avant de se rétracter ( Entre le cœur et la raison , 2006). Cette fois, il sort coquettement sous pseudo ses propres mémoires transposés en fiction. Coquetterie littéraire ou volonté d’échapper aux procès ? Comme la ressemblance supposée titiller le lecteur initié n’est parfois possible qu’au prix d’un trait forcé, en particulier sur les travers physiques ou de caractère, les personnages en sont d’autant plus diffamés, injuriés, sans compter les atteintes à leur vie privée. Difficile toutefois de réussir à prouver en justice que l’on est bien tel ou tel… sauf à trouver des éléments biographiques incontestables et ne pouvant être attribués à nul autre germanopratin. La jurisprudence est globalement du côté de notre éditeur redevenu auteur. De plus, il a privilégié le temps de sa jeunesse et mis en scène nombre de disparus. Certes, l’article 9 du Code civil dispose que «  chacun a droit au respect de sa vie privée  ». Mais la loi reste muette sur ce respect après le décès de la personne visée. Fortes de ce silence, les juridictions considèrent que l'action en respect de la vie privée n'appartient qu'aux intéressés de leur vivant. La Cour d'appel de Paris a, par exemple, très clairement indiqué, en 1986, après le décès de Gérard Lebovici, que la publication d'une information ne peut « ê tre qualifiée d'atteinte à la vie privée de cette personne, dès lors qu'elle était décédée au moment de sa publication. Cet article ne constitue pas d'avantage une atteinte à la vie privée de l'épouse et de son fils puisqu'il ne fait pas état du comportement ou des habitudes de vie de ces derniers et ne mentionne que les fréquentations douteuses de ce dernier.  » Si les faits relevant de la sphère privée se révèlent être également attentatoires à «  l'honneur ou à la considération  » - ce qui est souvent le cas, par exemple, lorsque des adultères sont rapportés - les héritiers peuvent toujours attaquer sur le fondement des « diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts », prévues à l'article 34 de la classique loi du 29 juillet 1881. Mais de telles diffamations ne sont sujettes à sanction «  que dans les cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants.  » Il faut donc aux héritiers démontrer que les allégations problématiques ont pour but de discréditer également leur propre réputation, ce qui reste un exercice assez périlleux. Claude Durand a le droit pour lui. Ses victimes, ou leurs ayant-droits, peuvent se consoler en compulsant les imposantes bibliographies recensant les récits à clés écrits depuis des siècles.
15.10 2013

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