Les 5 engagements de Syros

Sandrine Mini, Syros - Photo Olivier Dion

Les 5 engagements de Syros

Ouvert aux autres cultures, éditeur des premiers polars pour les jeunes, militant du conte, Syros marque par ses choix, depuis 35 ans, l'édition pour la jeunesse. Portrait d'une maison engagée à travers cinq lignes éditoriales fortes, commentées par Sandrine Mini, qui la dirige depuis 2005.

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Par Claude Combet
Créé le 22.11.2019 à 01h30

Avec son nom d'île grecque, Syros, entré dans le giron de Nathan en 2002 (après le rachat en 1998 par Havas/Vivendi), fête cette année ses 35 ans. Après un magazine de 48 pages, des rencontres à Paris et à Nantes, la réédition de La grande peur sous les étoiles, une fête à Montreuil le 30 novembre, une présentation aux professionnels au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil clôturera les festivités le 2 décembre. « Nous voulons éclairer le présent et le futur de Syros par le passé. Il faut redonner du sens et du désir auprès de ceux ne nous connaissent pas forcément » commente Sandrine Mini qui dirige cette maison depuis 2005, dont les 35 nouveautés annuelles, concoctées par une équipe de six personnes, continuent d'explorer les grands thèmes qui ont fait son succès depuis trente-cinq ans.

Denis Guiot, Syros- Photo OLIVIER DION

1. L'ouverture aux autres cultures

Dès son premier titre jeunesse en 1984, Écritures dans l'histoire et par les contes et la collection de livres bilingues « L'arbre aux accents », Syros, qui s'est appuyé sur l'association et la librairie de Suzanne Bukiet, a séduit les prescripteurs par son ouverture aux autres cultures. Suivent les albums bilingues « Les contes du poulailler », « Les imagiers trilingues » pour les tout-petits (français/turc/allemand), « Les copains de la classe » lancée par Germaine Finifter en 1985, et, en 1989, « L'arbre aux accents », des triptyques (livre de cuisine, contes, nouvelles contemporaines) écrits par des auteurs et illustrateurs du pays. Depuis 2014, Syros plonge les jeunes dans un bain linguistique avec « Tip Tongue », écrite par une auteure de polars, Stéphanie Benson, qui amène en douceur le lecteur à lire dans une langue étrangère. La collection a reçu le Label européen des langues et se décline en « Tip Tongue Journals » et, en 2020, aux plus jeunes, en collaboration avec l'association Dulala.

2. Du polar pour les enfants

En 1986, Syros lance un pavé dans la mare avec les « Souris noire », de vrais romans noirs pour les jeunes de 8 ans, pour lesquels Joseph Périgot fait appel aux grands noms du polar adulte : Les doigts rouges, de Marc Villard (1 million de ventes), Le chat de Tigali, de Didier Daeninckx, Qui a tué Minou-Bonbon ?, de Joseph Périgot, L'assassin de papa, de Malika Ferdjoukh, Ippon, de Jean-Hugues Oppel sont devenus des long-sellers. La collection connaît divers directeurs de collections - Patrick Mosconi, Franck Pavloff, et François Guérif, le fondateur de « Rivages/Noir », qui lui a donné un grand frère « Rat noir ». Elle a aussi eu différentes couvertures dont les très graphiques conçues en 1992 par Gérard Lo Monaco ainsi que des déclinaisons en tous genres, jusqu'aux « Souris Poche » (1997), qui sont noire, rose, verte, fantastique, etc.

Aujourd'hui, Syros reste le premier éditeur de polar jeunesse, sous la direction de Natalie Beunat, depuis les « Mini-souris noire » (dès 8 ans), « Souris noire » (à partir de 10 ans), où l'on trouve la série « Dix minutes... » de Jean-Christophe Tixier (4 titres, 58 000 ventes et 20 prix littéraires) dont le prochain, Dix minutes en mode panique, paraît le 9 janvier et « Rat noir », jusqu'aux hors-séries signés Tim Willocks, Caryl Ferey, Benoît Séverac (Le jour où mon père a disparu, à paraître le 16 janvier) et Danielle Thiéry (avril).

3. La force du conte

Dans son ouverture aux cultures du monde, Syros a toujours fait la part belle au conte. En 1994, naît la collection « Paroles de conteurs », dirigée par Ilona Zanko, « qui a accompagné le renouveau du conte de tradition orale » souligne Sandrine Mini. Elle a été suivie par « Mini Syros Conte », « Le tour du monde d'un conte » (différentes versions d'un même conte), et « Le tour du monde des contes » (des compilations pour les petits). La dernière-née (2017), « Kilim », pour les jeunes dès 8 ans, s'attache aux grands textes, mythes et légendes sous le slogan « que la force des histoires grandisse en toi ». Elle a aussi ses vedettes, Huile d'olive et beurre salé, un duo de conteuses. « Le conte perd du terrain mais il reste prescrit. Nous y tenons car il passe les frontières. Les mêmes histoires racontées dans le monde entier dans des versions différentes démontrent que nous appartenons à la même humanité », souligne Sandrine Mini.

4. L'engagement

Fondées en 1972 au sein de PSU (Parti socialiste unifié) puis ouvertes à la jeunesse en 1984, fusionnées avec Alternatives puis avec La Découverte, les éditions Syros ont depuis leur création toujours été engagées. Dès 1984, sort Pika, l'éclair d'Hiroshima, le témoignage de Mitchan, 7 ans. De son mariage à La Découverte de 1993 à 2002, il reste L'état du monde junior, la collection « J'accuse ! » et La grande peur sous les étoiles, de Joe Hoestlandt, illustré par Johanna Kang et préfacé par Claude Roy, racontant la disparition de Lydia, 8 ans, dans la rafle du Vél'd'Hiv, lauréat d'un BolognaRagazzi. En 2006, Philippe Godard lance « Femmes ! », « Au crible », « Les documents Syros ». La maison explore les grands thèmes que sont les droits humains, la tolérance, l'émancipation, l'altérité, dans des albums comme La rédaction, sur la dictature, Toi, vole !, mettant en scène un petit garçon et son père qui vivent dans un aéroport et Je suis Camille, l'histoire d'une fille née dans un corps de garçon. « Il y a un besoin de documentaires intergénérationnels. Les questions ne sont plus les mêmes depuis une dizaine d'années et nous avons la chance d'avoir des auteurs attentifs et concernés par ce qui se passe dans le monde » constate Sandrine Mini, qui annonce pour mars 2020, Les mots pour combattre le racisme, après Les mots pour combattre le sexisme (mars 2019).

5. L'anticipation et la SF : un pied dans la fiction

« Sous couvert de divertissement, la SF participe à un véritable processus transformateur des consciences et aide le jeune lecteur à entrer dans l'avenir » écrit Denis Guiot qui a lancé « Soon » en 2008, de la science-fiction pour les lecteurs à partir de 12 ans, qu'il décline en « Mini Soon + » (dès 10 ans) et « Mini Soon » (dès 8 ans) avec la série à succès Les humanimaux, d'Eric Simard. En 2009, Méto, d'Yves Grevet, une trilogie dystopique, ouvre la voie des grands formats. #Bleue, de Florence Hinckel (13 prix littéraires), Ne ramenez jamais chez vous une fille du futur, de Nathalie Stragier, Power Club, d'Alain Gagnol, installent Syros dans la fiction engagée. Ce qui fait battre nos cœurs, de Florence Hinckel, sur le transhumanisme (août) et la trilogie post-apocalyptique Lou, après tout, de Jérôme Leroy, sélectionnée pour les Pépites de Montreuil (le 3e volume, L'éloge de la douceur paraîtra le 9 janvier), « annonce l'écroulement de notre monde de façon terrifiante mais ose l'utopie à la fin » précise Sandrine Mini. En 2015, Syros a aussi coédité avec Nathan U4, un ovni littéraire (500 000 ventes), une tétralogie dont chacun des volumes est écrit par un auteur différent : Yves Grevet, Vincent Villeminot, Florence Hinckel et Carole Trébor, suivis d'un préquel, de poches, d'audiobooks et bientôt d'une adaptation en BD. 

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