Livre numérique

L’ePub au stade industriel

Dans l’atelier d’Isako Studio, à Paris. - Photo Olivier Dion

L’ePub au stade industriel

Seules quelques très rares maisons assurent en interne la production des fichiers numériques de leurs nouveautés au format ePub. Tandis que les éditeurs indépendants font encore appel à des prestataires spécialisés, les grands groupes l’ont intégrée dans leur processus de composition.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 15.01.2016 à 01h05 ,
Mis à jour le 15.01.2016 à 10h23

Version numérique de l’impression d’un livre, la fabrication d’un fichier ePub a créé un marché vite dominé par Nord Compo, à partir de ses services de composition déjà utilisés par tous les groupes d’édition. "Nous produisons environ 6 000 à 7 000 ePub par an en nouveautés. En 2015, nous avons aussi fourni un peu plus de 4 000 fichiers de reprise de titres anciens", explique Robert de Meulemeester, P-DG du groupe Nord Compo, implanté à Villeneuve-d’Ascq, dans l’agglomération de Lille. "Pour la plus grande partie des éditeurs et tous les groupes, l’ePub est compris dans la prestation globale de composition pour les nouveautés, avec un fichier structuré en XML et le PDF destiné à l’impression", ajoute le patron d’une entreprise qui emploie 450 personnes, dont 200 dans une filiale à Madagascar, les Ateliers du Capricorne.

"Le texte est flottant en ePub, il faut prévoir nombre d’insécables pour éviter les mauvaises coupes, des ponctuations en début de ligne, des paragraphes commençant en bas de page, etc." Joël Faucilhon, Lekti - Photo DR

Environnement instable

La délocalisation réduit les coûts d’un service où l’intervention humaine reste importante, en dépit des recherches constantes d’automatisation via des logiciels spécialisés. La multiplicité des appareils de lecture génère un environnement technique instable, qui nécessite une veille constante. Nord Compo a aussi ouvert plusieurs bureaux en France pour se rapprocher de ses clients. En 2012, le groupe a repris Facompo, un petit concurrent (7 salariés) basé à Lisieux (Calvados), qui travaille quasi exclusivement pour des éditeurs parisiens selon son gérant, Marc Le Buan. L’an dernier, Nord Compo a également ouvert une filiale à New York, à la suite de contacts noués avec des éditeurs américains au sein de l’IDPF, le consortium chargé de définir la norme ePub dont le français est adhérent.

Il a rejoint Jouve, implanté depuis bien plus longtemps aux Etats-Unis, qui emploie 2 000 salariés dans le monde, dans des activités plus diversifiées. Jouve ne précise pas le volume de sa production d’ePub, délocalisée aussi à Madagascar pour le français, et en Inde pour l’anglais. Le cœur du savoir-faire (développements technologiques, process industriels, contrôle qualité) reste en France. Dans l’édition, Jouve travaille pour les spécialistes du scolaire, du juridique, des STM à l’intention desquels il a créé des plateformes réalisant à la fois les fichiers pour l’impression et pour la diffusion numérique. Le groupe s’est surtout imposé dans la numérisation patrimoniale de masse, notamment à la BNF, et plus récemment pour FeniXX (1) dont il a remporté le marché de conversion des livres indisponibles du XXe siècle. "Nous avons au minimum 500 ePub à produire chaque semaine, avec des pointes à 1 000, traités dans un atelier dévolu à Madagascar en raison du volume", explique Régis Habert, directeur général de FeniXX.

Pression tarifaire

Aux antipodes de cette organisation de masse, des ateliers résistent en France, tels Lekti à Albi ou Isako à Paris, en maîtrisant à la fois un développement technologique très pointu et une rigueur d’artisan dans la qualité de la production, car le diable est souvent dans les détails. "Le texte est flottant en ePub, il faut prévoir nombre d’insécables pour éviter les mauvaises coupes, des ponctuations en début de ligne, des paragraphes commençant en bas de page, etc. Nous veillons aussi à la pérennité des fichiers, en les codant correctement pour garantir leur réutilisation éventuelle dans d’autres formats", explique Joël Faucilhon, responsable de Lekti, qui regrette la pression tarifaire qu’il juge trop importante de la part des grands éditeurs. Elle a eu raison de l’atelier numérique d’ePagine, fermé en 2014.

Isako, confondé par Shalev Vayness, a pu reprendre une partie de ses clients, caractérisés comme les siens par la qualité de leurs livres imprimés. "Ce n’est pas parce que c’est du numérique et que le lecteur peut changer certains paramètres qu’il faut faire n’importe quoi. Nous gardons l’esprit du soin éditorial et du respect de la structure du texte", insiste Emmanuel Barthélémy, directeur des éditions numériques chez Minuit, intarissable sur le sujet.

Gilles Colleu, responsable de la fabrication d’Actes Sud, partage cette conviction, et a organisé la production d’ePub en interne, dans le prolongement de la composition. "Il existe maintenant assez d’outils pour le faire", justifie celui qui partage son expérience dans le cadre de l’Alliance des éditeurs indépendants. Albin Michel produit aussi une partie de ses ePub en interne. "Ce n’est pas si évident, nuance Shalev Vayness, et pour le fonds, nous sommes les seuls à proposer des conversions ePub au prix de l’offshore", souligne-t-il à propos des automatismes développés par Isako Studio.

(1) Filiale du Cercle de la librairie, comme Electre SA qui édite la base bibliographique Electre.com et Livres Hebdo.

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