Avant-critique Roman

Une fille virtuose. Ses lecteurs ne l'ignorent pas, avant de se dédier à l'écriture, Léonor de Récondo eut une première vie de violoniste virtuose, dédiée à la musique baroque, enregistrant de nombreux disques, se produisant sur des scènes du monde entier notamment avec L'Yriade, ensemble spécialisé dans le répertoire des cantates des XVIIe et XVIIIe siècles. Cet amour ne fut pas que de jeunesse, puisque, aujourd'hui encore, entre deux livres, elle s'adonne à ce qui est resté sa passion première. Voilà sans doute pourquoi Le grand feu est si beau. Narrant l'éducation sentimentale et artistique d'une violoniste prodige dans la Venise du début du XVIIIe siècle, elle s'y montre au plus près de sa vérité de femme et de musicienne.

Ilaria Tagianotte naît au printemps 1699, fille de marchands d'étoffes vénitiens. Si ce n'est déjà plus l'âge d'or pour la Sérénissime, reste la ville des palais, des théâtres, du carnaval, du champ des possibles encore largement ouvert. Ilaria n'a que quelques semaines lorsque sa mère la place à la Pietà, une institution publique prestigieuse et séculaire, destinée en priorité aux enfants abandonnés. On y enseigne la musique, notamment sous l'autorité du maestro Antonio Vivaldi. La petite Ilaria y grandira entourée de juste sévérité, de beaucoup de ferveur et suscitant, parfois bien malgré elle, des désirs aussi puissants que cachés. Jusqu'à ce que l'amour, à l'aube de ses 15 ans... « La voix, le virginal, la beauté. Elle tressaille, cette partition inconnue la remplit. Elle va prendre feu. Son violon va brûler, les tentures, le palais, tout va brûler. Elle n'est plus qu'une flamme vive. »

L'écriture de Léonor de Récondo est de nature profondément sensuelle, c'est-à-dire essentiellement musicale. Dans ce Grand feu, elle s'y montre plus que jamais maîtresse de ses sortilèges, de ses diableries. Ses lecteurs y retrouveront le souffle, la douce cruauté, le goût d'une reconstitution historique qui ne doit rien au décoratif, qui formaient déjà tout le prix de son très beau Pietra viva (Sabine Wespieser, 2013). Ainsi qu'une attention scrupuleuse portée à l'humanité et aux solitudes de chaque personnage. Ilaria et les autres n'ont pas fini de brûler.

Les dernières
actualités