L'économiste et essayiste Daniel Cohen, né en 1953 à Tunis, professeur à l'École normale supérieure (ENS), spécialiste de la notion de dette souveraine et observateur critique des changements structurels de la société moderne, est décédé dimanche 20 août à Paris.
Sa mort a suscité une multitude de réactions de personnalités du monde politique et universitaire, du président Emmanuel Macron à l'économiste Thomas Piketty. Visage connu du grand public, apprécié pour son sens de la pédagogie, Daniel Cohen intervenait régulièrement dans les médias. Il a notamment été chroniqueur pour L'Obs et à France Culture, et a également été membre du conseil de surveillance du Monde (de 2010 à 2021).
Agrégé de mathématiques, Daniel Cohen était ensuite devenu docteur de sciences économiques. Il a occupé le poste de directeur du département d'économie de l'ENS après avoir lui-même été étudiant rue d'Ulm. Il a présidé l'École d'économie de Paris, institution qu'il a co-fondée et dont sont issus, en plus de Thomas Piketty, la prix Nobel d'économie Esther Duflo, ou les économistes Gabriel Zucman et Julia Cagé. Il était le véritable chef de fil de cette Paris School of Economics dont les élèves essaiment désormais sur les campus anglo-saxons.
Homo Economicus
Analyste critique des transformations de la société contemporaine, il a reçu le prix du livre d’économie en 2012 pour Homo Economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux (Albin Michel, 2012), ouvrage qui s'est vendu à plus de 110 000 exemplaires toutes éditions confondus. Dans son essai suivant, Le monde est clos et le désir infini (Albin Michel, 2015), il constatait que la croissance économique est devenue sporadique, et imaginait les conséquences de sa disparition totale et définitive sur la société moderne.
Son dernier livre a été publié en 2022 : Homo numericus : la civilisation qui vient (Albin Michel) et s'est déjà vendu à 44 000 exemplaires. Il y pointe les dérives de la révolution numérique et ses conséquences : industrialisation des relations amoureuses et professionnelles, hystérisation des débats politiques, conduites addictives, etc.
Expert reconnu de la dette, Daniel Cohen avait publié son premier livre en 1987 : Monnaie, richesse et dette des nations (CNRS Éditions). Il s'est définitivement fait remarquer avec Richesse du monde, pauvreté des nations (Flammarion, 1997), ouvrage dans lequel il identifie les transformations des modes de production qu'il corrèle à la révolution informatique et à la diffusion de l'enseignement. Pour sa démonstration, il utilise des cercles concentriques : du monde à la famille.
Nos temps modernes (Flammarion) lui a valu son premier prix du livre d’économie en 2000. Ses entretiens parus dans l'hebdomadaire Le 1 entre 2016 et 2019 ont été publiés dans Contre la solitude sociale (L'Aube avec Le 1, 2020). Il y évoquait le Smic, le chômage, le revenu universel, ainsi que la dimension économique du mouvement des gilets jaunes. Il y démontrait des préoccupations sociales déjà à l'œuvre dans l'essai Les Origines du populisme : Enquête sur un schisme politique et social qu'il avait cosigné avec Yann Argan, Elizabeth Beashley et Martial Foucault aux éditions du Seuil en 2019.