Saint-Malo

Le voyage organisé d'Etonnants voyageurs

Le traditionnel café littéraire qui occupait le Palais du Grand large a migré dans un magic mirror - Photo Anne-Laure Walter / LH

Le voyage organisé d'Etonnants voyageurs

Suite à la fermeture pour travaux du Palais du Grand Large, son centre névralgique, le festival Etonnants voyageurs s'est redéployé avec succès dans différents lieux de Saint-Malo.

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Par Anne-Laure Walter, Saint-Malo
Créé le 11.06.2019 à 12h10

"Soulagé !" C'est ce que déclare Michel Le Bris, président d'Etonnants voyageurs, au sortir de la 30e édition du festival, qui s'est tenue du 8 au 10 juin à Saint-Malo. Elle s'annonçait en effet pleine d'obstacles logistiques puisque le centre névralgique de la manifestation, le Palais du Grand large, était inaccessible pour cause de travaux, obligeant les organisateurs à se redéployer dans des lieux de rencontres plus dispersés dans la ville. De plus, à la veille de l'ouverture officielle, la tempête Miguel a secoué la cité corsaire avec ses vents à 80 km/h.

Le bilan pour les organisateurs est positif avec une nouvelle configuration qui a permis "un redéploiement dans toutes les salles sans trop d’embouteillage à l'entrée pour les festivaliers" et une fréquentation qui retrouverait le niveau d’il y a deux ans d’après les premières remontées. "Je me réjouis du climat de fraternité et d’écoute de la part des visiteurs et des auteurs ", a ajouté Michel Le Bris.

Le redéploiement dans la ville

Pour pallier l'absence du Palais du Grand large qui hébergeait notamment l'emblématique café littéraire, le festival avait installé sur le quai Duguay-Trouin, deux Magic Mirrors. Une belle initiative, créant des espaces chaleureux et un café littéraire aux allures de saloon. Pour les expositions, les cimaises ont trouvé refuge dans la Chapelle Saint-Sauveur entièrement réaménagée et désormais parfaitement adaptée à ce type d'accrochage notamment pour les expositions de bande dessinée "Quand la peinture inspire le 9e art" ou d'illustrations jeunesse "La curiosité n'est pas un défaut".

La manifestation a investi plus massivement la médiathèque La Grande passerelle, qui avait même mis de côté, le temps du festival, ses collections pour accueillir dans la salle principale de lecture des conférences. C'est ainsi que lundi matin, dans une salle baignée de lumière avec une hauteur sous plafond digne d'une cathédrale, les festivaliers ont pu célébrer avec Anne-Marie Métailié, les 40 ans de sa maison, en présence de Pascal Dibie, Santiago Gamboa, Olivier Truc et James Kelman. La chambre de commerce et d'industrie voisine, offrait par ailleurs deux salles de débat supplémentaires.

Les nouveaux formats

Outre ce déménagement temporaire, les organisateurs avaient opéré aussi quelques changements dans le programme introduisant de nouveaux formats dont les grands entretiens animés par Jean-Luc Hees, soit une heure de discussion entre l'ancien président de Radio France et Christian Bobin, Mona Ozouf, Riad Sattouf ou Muriel Barbery.

La journaliste Pascale Clark a mené certaines rencontres notamment celle passionnante avec l'écrivain égyptien Alaa El Aswany (un entretien à podcaster sur le site d’Etonnants voyageurs tout comme celui avec Serge Joncour)

 
Le bilan des ventes mitigé

Dans l'espace salon du livre devant le Palais du Grand large, la plupart des libraires qui tiennent les stands des éditeurs constatent une baisse de la fréquentation et un effritement du panier moyen. Frédéric Tué de la librairie L’Odyssée (Saint Malo) note une baisse de fréquentation malgré un très bon dimanche et constate que " les flux de visiteurs sont plus dilués en raison de l’éparpillement des lieux, qui a aussi provoqué de nombreux retards d’auteurs pour les dédicaces ".

Pour Soledad Ottone de l'Atalante (Nantes) le samedi était parsemé en terme de fréquentation mais les dimanches et lundi ont permis de rééquilibrer l'activité qui sera meilleur que l'an passé, ce qui n'est pas le cas pour le stand collectif de l’Union des éditeurs de voyageurs indépendants (UEVI) dont les ventes sont nettement en baisse en raison "d’un festival éclaté et d’une météo agitée". Même son de cloche chez M'lire (Laval) où Delphine Bouillo constate un public " plus mou" attribuant cela notamment à l’éclatement des lieux du festival qui "démobilise l’énergie de tous ". Côté jeunesse, le bilan est aussi en demi-teinte, car il y avait moins d'auteurs. "Il faudrait que les libraires et éditeurs soient plus associés dans l’organisation et la réflexion sur l’espace salon afin de proposer plus de choses pour le jeune public. ", affirme Anne-Rozenn Gimet, Le grenier (Dinan).

Tous louent cependant la qualité du public malouin, à l'écoute des conseils du libraire. Frédéric Tué a pu ainsi pousser Trois concerts, de Lola Gruber (Phébus) qu'il apprécie particulièrement. "La discussion avec les festivaliers peut s’engager et on peut les conseiller. Etonnamment on vend du fonds sur le stand, par exemple sur le catalogue Gallmeister." note-t-il. "C’est un public qui essaie volontiers, explique Soledad Ottone à la tête d'une librairie spécialisée en polar et imaginaire et qui se confronte à un public généraliste. Ce festival porte bien son nom car les festivaliers sont prêts à voyager dans les genres". Elle cite le succès des textes d'Alain Damasio, Patrick K. Dewdney ou du premier roman de Sandrine Alexie.

La gratuité de l'espace librairie?

A la tête du Forum du livre de Rennes, présent depuis près d'un quart de siècle au Festival, François-Régis Sirjacq, constate une forte hausse de la fréquentation entre 18h et 20h, plage horaire où l'accès au salon est gratuit. Il plaide, comme la plupart de ses confrères, pour une gratuité généralisée de l'espace librairie. "C’est une profonde révolution qu’il faudrait faire car le public n’est plus le même et n’a plus de même pouvoir d’achat qu’il y a quelques années. Cela permettrait de faire venir d'autres Malouins".
 
Michel Le Bris est particulièrement opposé à cette proposition insistant sur le fait que " la culture a un coût", la logique du tout gratuit étant néfaste pour la création et les créateurs selon lui. "Si on veut rêver, il faut faire des additions ", ajoute-t-il. Le président du festival a d'ailleurs assuré le financement de sa manifestation dans la durée et en amont de l’édition, il a signé une convention triennale avec la mairie, la région et le Centre national du livre.

En 2020, le festival fêtera ses 30 ans du 29 au 31 mai et retrouvera le Palais du Grand Large.
 

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