20 août > Roman France

"Volontiers moqueur et ricanant, tout est chez lui [le Français] sujet à dérision et à "diminutivisation" du monde, y compris l’objet de ses aspirations les plus profondes, lesquelles sont en premier lieu tournées vers les loisirs et les plaisirs de bouche : un p’tit resto, un p’tit ciné, un p’tit café, une p’tite balade, un p’tit week-end, un p’tit bordeaux, un p’tit dessert, etc."

Pour Romain Ruyssen, 44 ans, sociologue, auteur d’Au pays du p’tit, vague succès d’estime autant que de scandale, être Français n’est pas une sinécure. Pas plus - mais cela, il le concède moins volontiers - que de vieillir. Son pamphlet lui vaut l’intérêt poli des médias, et celui, un chouia masochiste, de centres et instituts culturels français à l’étranger. Ainsi, accepte-t-il l’invitation à développer ses thèses moroses lors d’un colloque à Moscou organisé pour partie par les services de l’ambassade. Il y fera la connaissance d’une étudiante à gros seins et aux cheveux propres. Elle a 25 ans, s’appelle Janka Kucova et étudie l’histoire des civilisations. D’abord réticent à répondre à ce qu’il faut bien reconnaître comme ses avances (en raison du fait qu’il ne parvient pas à oublier qu’il pourrait presque être son père, que son donjuanisme tend à présenter un caractère pathétique, que son énergie est plutôt tournée vers l’offre que vient de lui faire une université américaine pour l’accueillir comme enseignant), il finira par y céder sans se départir jamais d’une espèce de réserve confinant au dégoût.

D’Au pays du p’tit, le nouveau livre de Nicolas Fargues, on pouvait craindre le pire, c’est-à-dire un "houellebecquisme" mal assimilé, l’éditorial déguisé en roman, la littérature réduite à la dictature du sujet. Il n’en est rien, car si sujet et humeur il y a, ils ne sauraient être disjoints de ce qui fonde vraiment ce livre, ce qui l’innerve secrètement, le temps qui passe, qui ne résout rien et surtout pas, comme souvent dans les romans de Fargues, une paradoxale et assez fascinante haine ou fatigue de soi. Au contraire de son lapidaire héros, Au pays du p’tit n’assène rien, il montre. Ici, la fatigue d’un homme, sa solitude, l’écho déjà assourdi de sa colère. Olivier Mony

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