15 septembre > Essai Allemagne

Arno Breker (1900-1991) n’a pas marqué l’art du XXe siècle. Son ancien marchand et ami n’est pas de cet avis. Joe Bodenstein lui consacre donc une copieuse biographie, surtout intéressante pour ce qu’elle nous dit de ceux qui ont fréquenté cet artiste officiel du IIIe Reich qui décora la barbarie de nudités masculines à l’emporte-pièce.

Dernier témoin de la vie du sculpteur, Joe Bodenstein raconte comment il bénéficia d’une timide renaissance dans les années 1970 auprès de Dalí, de Paul Morand ou de Roger Peyrefitte. Mais l’essentiel est ce qui figure en creux de l’aventure de celui qui n’aurait jamais connu la gloire s’il n’avait été le sculpteur préféré du Führer. Joe Bodenstein montre le rôle crucial joué par Albert Speer dans cette carrière avec cet atelier de Jäckelsbruch, près de Berlin, dans lequel Breker eut une centaine de collaborateurs à l’apogée des commandes nazies.

Il raconte surtout la vie mondaine de cet artiste qui fut de la visite éclair de Hitler à Paris le 23 juin 1940. Le Ritz devint son adresse officielle sous l’Occupation. Il y croise Coco Chanel, Cocteau, organise sa grande exposition en 1942 et sauve Picasso des griffes de la Gestapo.

La multiplication des anecdotes ferait presque oublier le contexte de la guerre, les massacres, les camps et les autres artistes qui payèrent cher d’être considérés par le mécène de Breker comme des dégénérés. Quant à Staline, il tenta de récupérer par deux fois et sans succès cet artiste qui disait ne pas faire de politique, alors que son œuvre n’avait cessé d’en faire. L. L.

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