Eugène Savitzkaya est cet écrivain né en 1955 en Belgique, à Saint-Nicolas-lez-Liège, d’une mère russe et d’un père polonais. Depuis les années 1970, on lui doit une œuvre inclassable, tout entière portée par une recherche du langage, constituée de poèmes en prose et en vers, et de romans aux courts chapitres qui méritent d’être lus à haute voix.
Le dernier en date, Fou trop poli (Minuit, 2005) avait pour héros un fou. Comme le nouveau, Fraudeur. Où il est question cette fois d’un fou qui fait "du judo au clair de lune avec lui-même" et prise autant le moelleux que l’aigre. Un fou qui "dévide sa vie, pas à pas, mot à mot, comme on va son chemin sur la croûte qui tremble et se meut, et se meut en tressautant".
Le gaillard a une mère née en Ukraine, à Staraya Buda, à sept cents kilomètres à l’ouest de Moscou. Jadis, il a été un glabre garçon de 14 ou 15 ans. Un enfant turbulent et rétif "à toute forme de règle". A une époque où il habitait avec ses parents et son frère aîné et adoré, Jean-Pierre, dit Ampougn, et le cadet qui sourit rarement. Le décor était la campagne. Une "maigre maison" tout en hauteur et en longueur avec un verger et un troupeau d’oies. Un temps où il déambulait, flânait. Sortait profiter de la fraîcheur du petitbois et de ses tombes quand il n’allait pas se baigner dans le ruisseau limpide.
L’autre volume (1) conjointement proposé par Minuit, A la cyprine, est quant à lui un recueil de poèmes. Il y est question de "la jolie, la jolie vie". D’être fait pour le bonheur et non le malheur. De merle et de chêne. On s’y demande à qui profite le 10 mai, on y donne des consignes aux éleveurs. Pas de doute possible, on est bien dans un livre d’Eugène Savitzkaya !
Alexandre Fillon
(1) A la cyprine, Minuit, 11, 50 euros, 104 p. ISBN : 978-2-7073-2828-1.