1er mars > Récit France > Jean-Marc Savoye

Et toujours elle m’écrivait est un récit un peu iconoclaste, d’aucuns diront hérétique : un analysant y raconte sa cure et un psychanalyste adjoint des commentaires. L’auteur (et analysant) n’est pas un inconnu du monde du livre. Responsable Export chez Gallimard puis chez Hachette dans les années 1990 avant de devenir éditeur en fondant le site LePublieur.com et de lancer en 2013, avec sa femme, la journaliste littéraire Pascale Frey, le site de critiques Onlalu.com, c’est en homme sauvé par les mots que Jean-Marc Savoye revient sur une cure en plusieurs étapes qui s’est étalée sur plus de trente ans. Des années de combat contre son paralysant "aquoibonnisme", sa diffuse et récurrente insatisfaction, pris en étau entre la peur d’entreprendre et la honte de se dédire. Plus tard, tout ça aura un nom : névrose obsessionnelle.

Il a 28 ans quand il décide "d’aller voir quelqu’un" selon l’expression consacrée. En ce temps-là, "vu d’avion", tout semble pourtant aller pour le mieux. Mais ce jeune homme issu de la bonne bourgeoisie, benjamin d’une fratrie de cinq enfants, a vu sa vie privilégiée basculer une vingtaine d’années plus tôt, à 6 ans et demi, à la mort brutale de son père. Le voilà entré par hasard dans l’édition, lui qui se voyait avocat et vient d’échouer quatre fois de suite au concours.

Le récit commence et s’achève sur le mont Blanc. Entre, Jean-Marc Savoye détaille sans jargon, avec franchise mais sans impudeur, les étapes de la thérapie, qui réservent elles aussi des surprises pas très orthodoxes, explorant les conditions de sa naissance non désirée au sein d’un couple qui ne s’aimait plus, la mécanique de ses relations amoureuses, son lien avec sa mère et ses frères, la maturation de son désir d’écrire, longtemps "secret inavoué".

Le patient apprend la patience, le temps qu’il faut pour que "la vérité infuse". Découvre comment, dans son cas, il s’agit de parvenir à "faire sans" plutôt que "faire avec". Retient que la bienveillance du psy est "au cœur de la cure". Une position reprise par l’écrivain Philippe Grimbert qui fut le dernier de ses trois analystes et qui, à la demande de son ancien patient, se glisse entre les pages de ce récit attachant, en témoin discret et… bienveillant. V. R.

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