Reste chez toi avec un manga. La formule de Glénat pour son opération " manga gratuit " en numérique pendant le confinement était bien trouvée. " Les ayants droit japonais nous ont donné leur accord rapidement, du moment qu'il s'agissait de lecture en streaming ", précise la directrice éditoriale Satoko Inaba. Côté ventes numériques, Pika a enregistré un bond de 40 %, et Ki-oon 120 %. Mais le marché part de si bas... " On a vendu beaucoup plus, mais cela reste très faible, reconnaît Grégoire Hellot, directeur de la collection Kurokawa. On s'est battu pour sortir Demon Tune en numérique avant la sortie papier prévue pour avril. C'était le moment de tenter ce genre de choses. " La privation de mangas papier n'a donc pas déclenché de déclic numérique. " Chez Izneo, le manga pèse 33 % du chiffre d'affaires de la vente à l'acte, rapporte Luc Bourcier, P-DG de la plateforme. Pendant le confinement, la part s'est réduite à 29 % car ce sont plutôt des familles en recherche de BD jeunesse qui se sont inscrites. "

Tous les éditeurs français le clament : l'exclusion des mangas des formules d'abonnement, sur demande des éditeurs japonais, empêche la croissance du secteur numérique, qui a pourtant dépassé le marché papier au Japon. Christel Hoolans, directrice générale de Kana et Le Lombard, dénonce aussi les portails pirates " qui gagnent très bien leur vie sans remonter aucun droit aux auteurs et aux éditeurs " et appelle à " revoir le prix de vente en numérique, pour qu'il soit le même que pour le format papier, car cela dévalorise le travail des auteurs et freine aussi son développement ".

La simulpub prend doucement

Une autre piste d'expansion est la simulpub, publication numérique des chapitres en simultané avec le Japon. " C'est une façon de développer l'offre légale et d'avoir un discours éducatif, se réjouit Bruno Pham, directeur éditorial d'Akata. Cela nous permet aussi de rationnaliser le travail : on peut sortir le tome papier très vite quand la simulpub arrive à sa fin. " Virginie Daudin-Clavaud, directrice générale de Pika, confirme que " l'habitude se crée doucement sur les nouvelles séries, mais c'est toute une organisation à monter ". Mais Luc Bourcier pointe l'obstacle principal côté lecteurs : " Le catalogue n'est pas encore assez étoffé. "

Il est toutefois un segment qui voit dans le numérique une lueur d'espoir : le shojo. En déclin en papier, le manga pour jeunes femmes croît sur écrans. " Cet engouement numérique autour du shojo sera un axe de développement important pour nous ", annonce Iker Bilbao, à la tête du manga pour le groupe Delcourt. Enfin, l'exploitation du fonds tente plus d'un éditeur. " Garder, en numérique exclusivement, un titre épuisé fait partie de nos réflexions ", admet Wladimir Labaere, directeur de collection chez Casterman. Kurokawa va même profiter de ses 15 ans pour diffuser en epub des classiques de son catalogue parfois indisponibles. Le numérique, c'est l'avenir, mais c'est aussi le passé.

03.07 2020

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