Le 16 novembre dernier, Florence Hartmann, ancienne journaliste mais surtout auteure chez Flammarion, en 2007, de Paix et châtiment (sous-titré  Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales ) a fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par le… Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. L’intéressée a officié, à compter de 2000 et durant six ans, comme porte-parole et conseillère de la procureure Carla Del Ponte. Après quoi, elle a disserté, dans l’ouvrage sus-nommé, sur un accord confidentiel négocié entre les juges internationaux et la Serbie. Ledit accord visait des documents fournis par Belgrade permettant certaines poursuites tout en prouvant l’implication de la Serbie dans le massacre de Srebrenica. La vérité historique devait donc rester secrète pour que justice partielle se fasse. Las, c’est oublier que le devoir de réserve est souvent le plus fort. La justice internationale a condamné Florence Hartmann, en septembre 2009, à 7 000 euros d’amende… pour outrage au tribunal. Il faut dire que le fameux accord confidentiel était déjà sorti dans la presse avant la publication du livre litigieux. Difficile de poursuivre sur le seul fondement de la confidentialité. Le 19 juillet dernier, la décision était confirmée en appel, assortie de sept jours d’emprisonnement. J’ai moi-même, en petit éditeur, publié chez Cartouche en 2011, sous le titre Les Gens d’Arusha , les états d’âme d’une magistrate ayant œuvré au Tribunal pénal international pour le Rwanda ; en prenant soin de préserver l’anonymat de l’auteure, baptisée pour la circonstance Lise Bonvent. Ce qui n’empêche guère les poursuites contre l’éditeur… Car le secret est à la fois cultivé en justice comme en diplomatie. Le personnel de la justice internationale est donc doublement bridé. En France, l'article 11 du Code de procédure pénale organise le si désuet secret de l’instruction. Sans compter le devoir de réserve auquel sont soumis les juges comme les diplomates. Rappelons que les mémoires de Saint-Simon n’ont été publiés originellement que sous une forme très abrégée. Louis XV les ayant fait déposer, sous le secret, aux archives du ministère des Affaires étrangères, la première édition complète remonte donc seulement à 1832. La prudence du diplomate Paul Morand l’a incité à prendre des dispositions testamentaires complexes pour différer la publication de ses écrits intimes. Une telle règle peut encore s’appliquer à Saint John Perse, Paul Claudel ou Victor Segalen. De même, les romans d’espionnage publiés par des ex-as de la guerre froide ont toujours suscité de grandes précautions juridiques. Si Florence Hartmann effectue sa peine — il faudrait que la France décide de mettre le mandat d’arrêt à exécution —, ce que bien sûr je ne lui souhaite pas, je m’acquitterai d’un nouveau billet sur les règles juridiques encadrant les mémoires de prisonniers !

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