9 JANVIER - HISTOIRE France

Quand on est avocat, on aime les dossiers, mais on aime encore plus ce qu'il y a dedans : des destins. Et quelquefois des injustices à réparer. Gérard Boulanger a repris celui de Jean Zay, le ministre de l'Education nationale et des Beaux-Arts sous le Front populaire, assassiné par la milice le 20 juin 1944.

Gérard Boulanger- Photo DR/CALMANN-LÉVY

Jean Zay avait 40 ans. Il était brillant. "Tout en lui respirait la noblesse de pensée", disait de lui Léon Blum. Gérard Boulanger nous rappelle qu'il créa le Festival de Cannes, le musée de l'Homme, le musée d'Art moderne, le CNRS, qu'il organisa l'Exposition universelle de 1937, soutint la création de la Cinémathèque française et fit restaurer la cathédrale de Reims. Entre autres choses...

Gérard Boulanger reprend chronologiquement cette vie intense. Mais dans ce qu'il qualifie d'essai plutôt que de biographie, il insiste sur le procès oublié de 1940, celui qui a condamné l'ancien ministre à la déportation. Vichy n'avait voulu voir dans les passagers du Massilia, parmi lesquels il y avait Georges Mandel et Pierre Mendès-France, que des fuyards. L'Etat français leur tendit un piège, et dans l'arrestation de ces parlementaires au Maroc, l'amiral Darlan porte une lourde responsabilité.

Radical-socialiste, ministre du Front populaire, juif, franc-maçon et soutien des antifranquistes, Jean Zay représente tout ce que déteste Vichy et que l'on peut résumer sous un nom : la République. Parce qu'il est encore jeune, intelligent et libre, il est l'homme à abattre. Cette haine, Gérard Boulanger la montre bien se développer dans cette France des années 1930. C'est elle qui a tué Jean Zay et c'est l'oubli de cette haine qui a fait oublier Jean Zay.

Défenseur des parties civiles pendant les 23 années que dura le procès Papon, Gérard Boulanger est l'auteur de Plaidoyer pour quelques Juifs obscurs victimes de Monsieur Papon (Calmann-Lévy, 2005). Son travail sur Jean Zay est imposant et enlevé. L'avocat bordelais ne mâche pas ses mots pour en remontrer à quelques historiens qu'il juge trop amnésiques. Voilà qui nous change des indigestes biographies sur des collaborateurs qui devraient, eux, être laissés dans les limbes de la mémoire collective.

Gérard Boulanger indique aussi pourquoi Jean Zay fut oublié, malgré sa carrière, malgré ses initiatives. "Jean Zay ne peut être considéré après la Libération ni comme "gaulliste", ni comme "communiste", ni comme "socialiste", ni comme "déporté", ni comme "résistant" ni même (ce qui apparemment est le plus surprenant, mais apparemment seulement) comme "juif"."

Le corps de Jean Zay fut retrouvé le 22 septembre 1946 au lieu-dit Le Puits du diable, dans l'Allier. Le principal accusé, Charles Develle, échappera au poteau d'exécution au motif qu'il avait été influencé par Maurras...

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