6 novembre > Histoire France

Après Louis XIII (Perrin, "Tempus", 2014), Louis XIV ("Intégra", 2014) et Louis XVI ("Tempus", 2010), Jean-Christian Petitfils achève un parcours remarqué dans l’Ancien Régime avec ce Louis XV, souvent déprécié à ses yeux par "l’implacable moralisme laïc des historiens". Pour Lavisse, il fut "le plus mauvais roi de toute notre histoire". En quelque huit cents pages, l’auteur du best-seller Jésus (Fayard, 2011) tente de redonner un peu d’aura à ce monarque bigot et indolent.

Certes, l’homme fut curieux des sciences de son temps, mais il se méfia des encyclopédistes, trop intellectuels à son goût. Fuyant le plus souvent ses responsabilités - parce qu’il était mal entouré, explique Petitfils -, il ne prit pas la mesure de la cruauté du supplice infligé à Damiens qui avait attenté sur sa personne plus moralement que physiquement. Le Bien-Aimé le devint alors beaucoup moins et la crise politico-religieuse lui fit perdre un peu plus le soutien de son peuple.

La plume élégante de l’historien ne cache pas les travers d’un roi guerrier et libertin qui appréciait autant les champs de bataille que les chasses plus secrètes du Parc-aux-Cerfs. En l’absence de Mémoires et avec une correspondance en grande partie disparue, Petitfils convoque donc les témoins et cherche à montrer Louis XV sous son meilleur jour, comme le pastel de Quentin de La Tour que l’on peut voir au Metropolitan Museum de New York, avec ce visage de pêche à laquelle on vient d’enlever la peau.

Cette solide biographie fait également revivre Versailles, toujours à l’ombre du Roi-Soleil : l’éducation d’un roi très chrétien et encore jeune contraint de fréquenter "des octogénaires fripés, aux têtes de chauves-souris et aux voix cassées", les maîtresses officielles que furent la marquise de Pompadour ou la comtesse Du Barry, la Régence de Philippe d’Orléans et de l’abbé Dubois, le pouvoir apaisant de Fleury ou le harem des beautés passagères. Mais au-delà de la cour, Petitfils nous montre aussi un royaume en pleine mutation démographique et sociologique avec les convulsionnaires de Saint-Médard, la fronde des jésuites ou la banqueroute du système de John Law qui ne parvint pas à réduire la dette de la France.

A la mort de Louis XIV, Louis XV hérite d’un royaume endetté à hauteur de plus de deux milliards de livres. Il réduira la facture de 500 millions après cinquante-neuf ans de règne par une rationalisation de l’Etat. Mais Jean-Christian Petitfils met surtout en exergue les transformations du royaume avec la culture religieuse qui s’efface au profit de la culture profane et des Lumières révolutionnaires. L. L.

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