« Nous assistons en Russie au même phénomène qu'en Europe : si notre production éditoriale reste la même, nous fabriquons toutefois moins de livres papier et davantage de livres électroniques. » Vendredi 16 mars 2012, sur le stand de la ville de Moscou, invitée du Salon du livre, Vladimir Grigoriev, chef député de l'Agence fédérale russe pour la communication des médias de masse, a donné un bref aperçu de l'édition russe de 2008 à 2011, commençant par rappeler qu'en Russie comme en France il existe un véritable engouement pour la littérature.
Vladimir Grigoriev, vingt-cinq ans d'expérience dans l'édition, se désespère d'entendre les lamentations de ses collègues russes, américains, anglais, indiens... « Chaque année, c'est la même rengaine, ils se plaignent de ce que le marché de l'édition est au plus mal, explique-t-il. L'arrivée de chaque nouveau média de masse, en ce moment le livre électronique, fait craindre la chute des ventes de la production papier. Mais la question que les éditeurs doivent se poser est celle-ci : comment continuer à évoluer dans notre métier ? »
Le papier en baisse
En Russie, Vladimir Grigoriev observe le même phénomène qu'à échelle européenne, un essoufflement de la production de livre papier face à la montée du livre numérique.
Avec environ 122 915 titres publiés en 2011, le marché du livre, porté par la jeunesse et l'éducatif, représente entre 2 et 3 milliards de dollars. Les cinq plus grands groupes d'édition russes (AST Group, Eksmo, Azbuka-Atticus Group, Ripol Classic et Olma Media Group) détiennent à eux seuls 20 % du marché.
Les ouvrages en français arrivent en deuxième position derrière l'anglais dans les traductions.
95 % des livres électroniques piratés
De son côté, le chiffre d'affaires de l'édition électronique représente 4,7 millions de dollars. Mais, précise Vladimir Grigoriev, « sachant qu'entre 90 et 95 % des livres en version numérique sont obtenus illégalement sur Internet, ce chiffre ne représente donc que 5 % de ce que ces éditeurs devraient toucher ».
Au cours de l'année 2011, un million de liseuses a été vendu en Russie, mais avec les ventes d'iPad importés de l'étranger, le nombre total de supports de lecture électronique dépasserait 3 millions. 3 % des cyberlecteurs possédant une tablette de lecture disent ne lire que des livres numériques. Le reste, soit 97 % des lecteurs, avoue combiner lecture numérique et lecture papier.
Parmi ces évolutions majeures, la création de maisons d'édition 100 % numériques serait le plus à craindre : « Avec la création de la maison d'édition Amazon, nous devons nous attendre à ce que ses concurrents, Apple et Google, se lancent à leur tour dans l'édition électronique. Ce passage de l'édition papier à l'édition électronique représenterait en effet un énorme avantage pour les auteurs, dont les droits, jusqu'à lors de 10 %, passeraient à 60 % du prix public hors taxe du livre électronique. »
« Dans deux ou trois ans, il faut s'attendre à ce que cette effervescence pour le livre électronique nous submerge complètement, a également pronostiqué Vladimir Grigoriev, en insistant sur la nécessité d'organiser des réunions européennes d'experts afin de discuter du futur du secteur.
En attendant, les livres traditionnels se vendaient bien au Salon du livre. « Très content » de ses ventes, le responsable du stand de la ville de Moscou, tenu par Gibert Joseph, indiquait que 20 % des livres achetés étaient des livres russes non traduits. Parmi les traductions, les contes pour la jeunesse et les grands classiques se partageaient les faveurs du public..