Rouverte le 26 août après plus de quatre années de travaux, la bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à Paris (3e), fascine dès qu'on en franchit le seuil. Cet établissement exceptionnel, que découvriront le 2 octobre les participants à la cérémonie de remise du 10e Grand Prix Livres Hebdo des bibliothèques francophones, est installé dans l'impressionnante salle voûtée de 11 mètres de haut de l'ancien réfectoire du XIIe siècle du prieuré Saint-Martin-des-Champs, à Paris. Ses collections comptent désormais 200 000 documents, dont un fonds ancien comprenant 8 000 volumes du XVe au XVIIIe siècle et environ 20 000 pour le XIXe siècle. Elles sont complétées par une bibliothèque numérique, Cnum, contenant un million de pages numérisées issues du fonds ancien sur l'histoire des sciences et des techniques.
Des livres confisqués
Le Conservatoire national des arts et métiers, fondé en 1794 sur décision de l'Assemblée révolutionnaire par l'abbé Grégoire sur le projet très novateur de « perfectionner l'industrie nationale » en donnant à voir les innovations technologiques et les savoir-faire, prévoyait une bibliothèque dès l'origine. Celle-ci s'est constituée à partir de livres saisis dans les congrégations religieuses lors des confiscations révolutionnaires, avant de s'enrichir par des achats. Elle s'est installée en 1852 dans les locaux qu'elle occupe toujours aujourd'hui.
Les collections, dont 11 000 documents en accès libre, ont été réinstallées pendant l'été en un temps record en vue de la réouverture, refermant ainsi un épisode mouvementé de la vie de la bibliothèque. En septembre 2014, la bibliothèque avait rouvert après quelques mois de fermeture afin d'effectuer une série de travaux d'amélioration fonctionnelle de la salle de lecture. Mais les instruments de contrôle ayant détecté des mouvements inquiétants dans le bâtiment, la bibliothèque a dû à nouveau fermer brutalement en janvier 2015 afin que soient menées des explorations complémentaires. Commence alors une longue période d'incertitude rythmée par les remises successives de rapports contradictoires d'experts chargés d'estimer l'état des voûtes, des charpentes et des fondations. En janvier 2017, une ultime étude met d'accord tout le monde sur les travaux à effectuer, notamment la reprise de la poussée des voûtes qui fut l'opération la plus compliquée à mener.
Pendant cette période, l'activité de la bibliothèque n'a pourtant pas cessé. Elle organise une salle d'accueil temporaire avec un accès indirect aux collections et maintient le service de prêt. « Nous avons mis à profit cette période pour assouplir les conditions de prêt, développer les ressources électroniques et la formation des usagers, explique en souriant Pascale Heurtel, directrice des bibliothèques et de la documentation du Cnam. Nous avons enregistré 37 000 visites et 20 000 prêts en 2017.Nos lecteurs ayant de fortes contraintes horaires et ne bénéficiant pas du statut d'étudiant, c'était difficile pour eux de se rendre dans d'autres bibliothèques. »
Accueil personnalisé
Le Cnam a la particularité de dispenser ses enseignements principalement dans le cadre de la formation tout au long de la vie sous des formes très modulaires afin de répondre aux besoins des professionnels en reconversion. « A la différence d'une université où les étudiants d'une filière constituent un public assez homogène, nos lecteurs présentent une grande diversité de parcours et de profils que nous devons prendre en compte, souligne Pascale Heurtel. Nous offrons un accueil personnalisé et nous travaillons le contenu de nos formations en lien avec les enseignants pour bien cerner les besoins. » La bibliothèque a également ouvert l'accès à ses ressources numériques aux élèves des centres régionaux du Cnam et prévoit de développer les formations documentaires via Skype.
Depuis sa réouverture, la bibliothèque teste sur ses usagers les aménagements qu'elle avait imaginés en 2014. Elle se prépare également pour une nouvelle phase de son histoire. A l'horizon de 2023, la bibliothèque déménagera une partie de ses collections dans le nouveau bâtiment dont le Cnam dispose à Saint-Denis, au nord de Paris. Ce sera l'occasion de rassembler des collections actuellement dispersées sur différents sites parmi lesquels le Centre technique du livre de l'enseignement supérieur (CTles), situé à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), des lieux n'offrant pas toujours des conditions de conservation satisfaisantes. Une partie des collections installées actuellement sur le site de la rue Saint-Martin à Paris seront concernées, et l'équipe s'y prépare en réalisant dès maintenant le récolement des fonds. « Nous garderons l'accès libre dans la salle et l'accès immédiat aux collections qui resteront en magasin ici, en particulier les fonds anciens. L'autre partie des collections sera à Saint-Denis mais rapidement disponible grâce à une navette quotidienne », promet Pascale Heurtel.
Depuis janvier 2019, la directrice des bibliothèques est devenue adjointe à l'administrateur général du Cnam pour le patrimoine, l'information et la culture scientifique et technique. Une nouvelle fonction qui renforce la position de la bibliothèque et de la documentation dans les stratégies de l'établissement.