Bien qu’il soit encore jeune, Jean-Baptiste Gendarme est un fin connaisseur de la vie littéraire, qu’il pratique lui-même sous différentes casquettes : cinq livres à son actif chez Gallimard depuis Chambre sous oxygène, en 2005, fondateur-rédacteur en chef de la revue Décapage (passée chez Flammarion), il est aussi plus ou moins conseiller littéraire chez des éditeurs. L’une de ses qualités, outre le talent, c’est l’humour : Gendarme fait les choses sérieusement sans se prendre trop au sérieux, et peut porter sur la littérature un regard à la fois passionné et moqueur. Comme il a choisi, depuis quelques années, de vivre en province, il est l’une des personnalités qui comptent dans notre paysage éditorial, sans baigner dans le bouillon de culture germanopratin. C’est en tant qu’expert, aujourd’hui, que notre ami prend la plume, mettant sa connaissance du terrain au service des "aspirants écrivains". On regrette juste que, dans son livre, il ne raconte pas plus ses propres (més)aventures. Ou alors déguisées ?
Dans une première partie, Splendeurs et misères prodigue à l’impétrant romancier, sur un ton faussement sentencieux et vraiment complice, quelques conseils d’usage et de bon sens : lire beaucoup, par exemple, essayer de se faire remarquer dans des revues, et puis, au final, tenter d’intéresser un éditeur à son manuscrit. Sans se laisser décourager par les silences, refus et rebuffades, ni la concurrence potentielle : il y aurait en France, selon le Gendarme, "2,5 millions d’écrivants" ! Et pas assez de "lisants", hélas. L’essai se fait aussi enquête, mêlant infos pratiques, extraits d’interviews d’écrivains retraçant leur propre parcours (la plupart parus dans Décapage) et enquête de proximité.
Dans la seconde partie, l’aspirant est devenu auteur, son livre a été publié, et ses ennuis commencent : opacité du contrat, difficulté à émerger parmi une production pléthorique, servitudes de la condition d’écrivain qui doit, de nos jours, jouer les guignols à la télé, envahir les réseaux sociaux, se faire bateleur dans les foires du livre… Rien n’y fait : s’il a la foi du charbonnier, le primo- romancier récidivera !
Bien que le professionnel n’apprenne guère plus qu’il ne sache déjà, que Gendarme attribue faussement à Gide l’histoire du livre dédicacé retrouvé chez un bouquiniste, alors qu’il s’agissait de Mauriac, Splendeurs et misères est un ouvrage sympathique et positif, que devraient dévorer, au moins, les 75 néoromanciers de cette rentrée recensés par Livres Hebdo. J.-C. P.