4 janvier > Roman France > Philippe Besson

A un moment, dans ce roman où il parle volontiers, à plusieurs reprises, de son travail d’écrivain, Philippe Besson dénie à ses livres tout caractère autobiographique. A un autre, il rappelle que le nom du héros de Arrête avec tes mensonges, Thomas Andrieu, était déjà celui du héros de son deuxième roman, Son frère (Julliard, 2001, adapté au cinéma par Patrice Chéreau). Et il décrit précisément la photo de Thomas, son premier amour, la seule, prise par lui presque en fraude, cheveux bruns bouclés, chemise à carreaux, jeans patte d’éph et petit sourire (rare), qui orne la couverture de son nouveau livre. Sauf que, dans Son frère, Thomas Andrieu était né en 1973, et qu’ici, ce même Thomas Andrieu, à qui le livre est dédié, serait né en 1966. Et mort en 2016. C’est même l’annonce de cette mort au narrateur, Philippe, par Lucas, le fils de Thomas (dans Son frère, c’était le prénom de son frère), qui aurait déclenché l’écriture du livre. On utilise à dessein le conditionnel, puisque Besson, comme rarement, s’emploie à brouiller les pistes, à mêler l’authentique et l’imaginé, à jouer avec les codes de l’autofiction. Un mot qu’il n’aime pas.

Nous sommes donc à Barbezieux, en Charente, en 1984. Les deux garçons ont 17 ans, et vont au même lycée. L’un, Philippe, fils d’instituteur et excellent élève, est en T C. L’autre, Thomas, fils d’agriculteur modeste destiné à reprendre l’exploitation familiale, en T D. "Plus tard, tu partiras", dira-t-il à son ami lorsque, après avoir fait l’amour, ce taiseux consentira à se confier un peu. "Nous, nousresterons." En effet. Bacs obtenus, les vacances sépareront les deux garçons, qui ne se reverront jamais, ne s’écriront même pas. Pourtant, leur relation, "c’était de l’amour, évidemment", écrira Thomas dans une lettre qu’il n’a jamais envoyée, retrouvée par son fils après sa mort - tragique - et donnée par lui à Philippe.

Car, en 2007, à Bordeaux, un miracle les avait fait se rencontrer. Lui, devenu écrivain, et "l’enfant jumeau" de son premier amour. "C’est presque lui", s’était-il dit. Ils ont eu une longue conversation. Lucas était au courant de tout. Thomas lisait tous les livres de Philippe. Et puis, après avoir appris cette rencontre, Thomas avait choisi de disparaître, de faire "défection", de quitter femme et enfant, lequel est parti faire sa vie aux Etats-Unis. Pour revenir, une seule fois, en 2016, après le drame.

Encore une fois, malgré certains passages un peu téléphonés, à l’écriture trop blanche, "durassienne" ("L’amour se fait là"), la magie opère. Vrai ou faux, peu importe, ce nouveau Philippe Besson est un beau roman, une belle histoire. J.-C. P.

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