4 avril > Récit de voyage France

Il l’a amplement méritée, sa compostela, Jean-Christophe Rufin. Le diplôme final, rédigé en latin, que reçoit, au terme de son périple, à la mairie de Saint-Jacques-de-Compostelle, tout pèlerin, ou Jacquet, pourvu qu’il ait accompli 100 kilomètres à pied (200 à vélo), la credencial - le passeport délivré au départ et dûment tamponné à chaque étape - faisant foi et attestant aussi de la sienne. Car, en principe, et ce depuis le Moyen Age, le pèlerinage de Compostelle est un acte de piété, une école d’humilité et d’ascèse auquel se consacrent les catholiques les plus fervents. Même si aujourd’hui, ainsi que l’écrivain a pu le constater, le business, la globalisation et le tourisme de masse ont dévoyé le symbole d’origine, faisant du pèlerinage une espèce de must be et des hauts lieux du Chemin, de petits Disneyland bondieusards.

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Au printemps 2011, donc, comme ça, pour voir, Rufin, qu’on n’imagine guère mystique ni confit en dévotion, a décidé de se lancer dans cette aventure. 800 kilomètres pedibus, en solitaire, de Hendaye jusqu’à Santiago, à travers quatre provinces espagnoles : le Pays basque, magnifique mais très pluvieux, la Cantabrie et son littoral bétonné, les Asturies, où la majesté de la nature et d’Oviedo invite même le plus sceptique des libres-penseurs à la spiritualité, la Galice, enfin, l’écrin où s’est lové Compostelle.

Deux mois de périple où l’ancien ambassadeur et académicien, habitué aux ors de la République et au douillet du Quai Conti, se rudoie, souffre et sue sang et eau tout montagnard aguerri qu’il soit, ne mange pas à sa faim, mendie parfois son pain de Jacquet, se lave peu, couche à la belle étoile ou dans de petits hôtels lorsqu’il décide, en bon médecin, d’accorder à son corps un peu de repos : comme à Bilbao, où il va jusqu’à prendre le bus et le métro ! Le plus souvent seul, ce qui incite à la méditation, au cheminement vers le zen. D’ailleurs Compostelle, pour lui, devient un « pèlerinage bouddhiste ». Parfois en compagnie d’autres chemineaux, jacquets ou jacquettes, certains attachants, pittoresques, d’autres insupportables. A la fin, heureusement, Azeb, son épouse éthiopienne, rejoint le pèlerin abstinent à Lugo, en pleine fête romaine, et l’accompagne jusqu’à Santiago, par le camino Francès, alors que lui a mis un point d’honneur à emprunter le Chemin du nord, le plus roots.

Durant son odyssée, Jean-Christophe Rufin n’a pris aucune note, et ne comptait pas en écrire le récit. Et puis ses amis Marie-Christine Guérin et Christophe Raylat, des Editions Guérin de Chamonix, lui ont fait revoir sa position. Grâces leur soient rendues : cela nous vaut un très joli livre, atypique si l’on veut, mais où l’on retrouve la verve du romancier, ses qualités de conteur. Ainsi que son humour, y compris envers lui-même. Un livre très personnel, enthousiaste - « Je m’exalte vite », confie-t-il - et qui donnerait presque envie au lecteur de prendre sa mochila, son « sac à dos », et de partir. J.-C. P.


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